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ENTRE AMOUR ET DROIT : LE LIEN CONJUGAL DANS LA PENSÉE JURIDIQUE MODERNE

(président de la Cour de cassation et du Sénat) une influence considérable221. Ses fonctions ne l’empêchent pas d’offrir un commentaire d’une bonne partie du Code, mais malheureusement pas du mariage en tant que lien personnel222. Louis Wolowski (1810-1876) n’a pas l’éclat d’un même parcours223. Jeune avocat, il fonde la Revue de législation et de jurisprudence (ou Revue Wolowski, 1834-1852) qui deviendra, suite à une fusion avec la Revue critique de jurisprudence en matière civile, la Revue critique de législation et de jurisprudence à partir de 1853. Élu à l’académie des sciences morales et politiques en 1855, il en sera président en 1865 et finira député en 1871 (pour combattre la Commune), puis sénateur en 1875, proche des idées républicaines de Thiers224. Le rapprochement un peu surprenant de ces deux auteurs se fait par le biais de la Revue Wolowski, Troplong faisant aussi partie de la direction de la revue. Il écrit dans cette dernière une étude sur le mariage dans le droit romain, qui prendra la forme d’un livre aux objectifs plus ambitieux intitulé De l’influence du christianisme sur le droit civil des romains225. Toute la seconde partie de l’ouvrage est consacrée au mariage. Dans le même esprit – c’est ce qui rapproche maintenant ces deux auteurs sur le fond – Wolowski écrit une série d’articles intitulée « De la société conjugale »226, où il est aussi question du mariage dans le droit romain et où il est fait d’élogieuses références à Troplong. 348. Le point sur lequel se rejoignent les deux auteurs, sur lequel ils poursuivent la pensée de Portalis tout en présageant une bonne partie de la pensée des civilistes du XXe siècle, est l’influence considérable des mœurs sur le droit, tout spécialement en matière conjugale. Troplong parle du christianisme comme le faisait Chateaubriand (même si ce n’est pas dans le même style), il le cite d’ailleurs au début de son ouvrage et s’inscrit dans ses pas227. Il s’agit de promouvoir une mystique, un sentiment, un idéal. Parlant des succès du christianisme contre l’esclavage romain (et critiquant Aristote) il s’exclame : « voilà la philosophie du droit en possession des grands principes d’égalité
221. Il donne l’exemple d’une ascension sociale peu commune. Commençant par travailler comme simple employé à la préfecture de l’Indre, il entre dans la magistrature en 1819, est conseillé à la Cour de cassation en 1835, pair de France en 1846, membre de l’Institut. Il se rallie rapidement au Prince Président, entre au Sénat, rapporte le sénatus-consulte sur l’établissement de l’Empire, préside la Cour de cassation durant le Second Empire (1852-1869) tout en étant aussi président du Sénat. J.-L. Halpérin, Histoire du droit privé français depuis 1804, op. cit., pp. 63-64. 222. R.-T. Troplong, qui se présente comme un continuateur de toullier, Droit civil expliqué…, Paris, C. Hingray, 27 vols., 1854-1864, l’introduction qu’il donne à son traité de la vente donne un bon témoignage de sa pensée libérale-chrétienne sur le droit, t. 5. 223. Né à Varsovie d’une famille aisée de jurisconsultes, il reste en France (où il faisait ses études) en raison de l’échec de la révolution polonaise de 1830 contre la Russie (dans laquelle sa famille était très engagée). Il ne restera que peu de temps avocat, il obtiendra en 1839, grâce à Paul Dalloz, une chaire de législation industrielle au Conservatoire Royal des arts et métiers, qui sera étendue à celle d’économie politique en 1855. 224. P. Markiewicz, Louis Wolowski, un intellectuel et un représentant du libéralisme en France au milieu du XIXe siècle, thèse, 1993. Wolowski est sans doute plus connu pour ses travaux en économie politique (créateur du Crédit Foncier de France en décembre 1852). 225. R.-T. Troplong, De l’influence du christianisme sur le droit civil des romains, 3e éd., Paris, Hachette, 1868. 226. L. Wolowski, « De la société conjugale », Revue de législation et de jurisprudence, Paris, Videcoq, 1852, t. 1, resp. pp. 5-21 et 321-356, t. 2, pp. 5-39. 227. R.-T.  Troplong, De l’influence du christianisme sur le droit civil des romains, op.  cit., p. 1 en note.
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