Biblio Histoire du droit - Entre amour et droit : le lien conjugal dans la pensée juridique moderne (XVI-XXIe siècles) - 282

Chapitre 2

LA CRITIQUE DU CODE : À LA RECHERCHE D’UN SYSTÈME JURIDIQUE PLUS COHÉRENT

357. Le système du Code repose sur l’omnipotence du législateur aidé du droit naturel et de la religion, ainsi que sur l’individualisme. Ce système va être combattu, souvent de manière violente au XIXe siècle, par un certain nombre de doctrines. Il s’agit d’abord de lutter contre l’éclectisme qui fait du législateur un être indépendant d’une philosophie précise. Ce dernier doit de nouveau se soumettre à un cadre « scientifique ». Portalis avait tenté une sorte de compromis entre les deux philosophies issues de la modernité juridique, elles vont chercher à prendre leur revanche pour de nouveau s’imposer avec toutes leurs conséquences. Le sensualisme d’un côté et le rationalisme pur de l’autre vont revendiquer chacun une vision du mariage opposée (Section 1). 358. Devant le radicalisme auquel aboutissent ces deux tendances au XIXe siècle – fruits usés de la modernité juridique et du dualisme cartésien entre l’âme et le corps – une nouvelle philosophie va apparaître qui rompt cette fois avec l’individualisme lui-même, faisant directement de la société, et donc du mariage, un objet d’étude. Il s’agit d’une remise en cause du nominalisme qu’Occam avait imposé à la pensée politique moderne. Le mariage redevient une réalité indépendante des deux individus qui le composent, auxquels il ne peut plus se réduire. On ne part plus de l’homme ou de la femme « en soi » pour en déduire ce que doit être le mariage, on étudie directement cette réalité matrimoniale que constitue l’association de l’homme et de la femme (Section 2). Cette pensée que l’on peut appeler sociale ou sociologique, développée notamment par Auguste Comte et Pierre-Joseph Proudhon, constitue une révolution dans l’approche juridique du mariage. Elle ne sera cependant pas suivie d’effets directs. La doctrine républicaine de l’autonomie individuelle, que prône notamment le juriste Acollas, finira par triompher du système du Code. Pour le mariage, c’est un retour aux idéaux révolutionnaires du projet de Code civil de la Convention, un retour à l’apologie de la liberté individuelle contre toute forme « d’asservissement » matrimonial ou étatique et, pire encore, de soumission religieuse. Cette pensée sur le mariage, qui ne sera pas sans influer sur le rétablissement du divorce en 1884, s’oppose radicalement au combat que mène parallèlement l’Église contre l’exclusion du religieux dans le mariage. Ce clivage entre la pensée républicaine et l’Église marque la fin du siècle (Section 3).

Biblio Histoire du droit - Entre amour et droit : le lien conjugal dans la pensée juridique moderne (XVI-XXIe siècles)

Table des matières de la publication Biblio Histoire du droit - Entre amour et droit : le lien conjugal dans la pensée juridique moderne (XVI-XXIe siècles)