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LA CRITIQUE DU CODE

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se rapproche ainsi de la rigueur de Hobbes, mais sa conclusion sera radicalement différente. Alors que le philosophe anglais veut maintenir l’égoïsme individuel au prix d’un Léviathan, Comte refuse une telle perspective d’anarchisme social94. L’individu doit pouvoir, malgré tout, développer des sentiments altruistes. Si ce ne peut être tout seul, ce sera par la société. Le fondement de toute réflexion politique doit donc être la société et non l’individu. Comte quitte ainsi le nominalisme et rompt avec la Renaissance : « la doctrine métaphysique sur la prétendue liberté morale […] est directement destinée à consacrer l’individualisme absolu, vers lequel tendit de plus en plus la révolte occidentale qui dût succéder au Moyen Âge »95. L’estime qu’il nourrit pour le Moyen Âge est révélatrice de cette pensée qui s’était éclipsée depuis trois siècles. Comte va considérer de nouveau le mariage comme une réalité en soi, indépendante des individus : « la décomposition de l’humanité en individus proprement dits ne constitue qu’une analyse anarchique, autant irrationnelle qu’immorale qui tend à dissoudre l’existence sociale au lieu de l’expliquer, puisqu’elle ne devient applicable que quand l’association cesse »96. « L’existence sociale », notamment l’existence matrimoniale, est une réalité extraindividuelle qu’il est impossible d’analyser sous l’angle d’une personnalité isolée. 391. Il n’y avait pas d’autre solution pour dépasser le rationalisme et l’empirisme que de revenir sur leur source commune : le nominalisme. Comte ne part ni des pulsions sensibles de l’individu, ni (encore moins) des soi-disant principes inscrits dans sa raison, ni d’un compromis entre les deux. Il a compris l’inconséquence qu’il peut y avoir de tirer de l’individu « seul » des relations « entre » les individus. Il bâtit donc sa politique sur la société, société conjugale comme fondement, société générale de l’Humanité comme aboutissement : « la société humaine se compose de familles, et non d’individus […] un système quelconque ne peut être formé que d’éléments semblables à lui et seulement moindres. Une société n’est donc pas plus décomposable en individus qu’une surface géométrique ne l’est en lignes ou une ligne en points. La moindre société, savoir la famille, quelque fois réduite à son couple fondamental, constitue donc le véritable élément sociologique. De là dérivent ensuite les groupes plus composés qui, sous les noms de classes et de cités, deviennent, pour le Grand-Être [l’Humanité], les équivalents des tissus et des organes biologiques »97. On croirait en quelque sorte au retour de la vision organique médiévale de la société, au « corps mystique » social, qu’un Jean de Salisbury par exemple pouvait décrire de manière imagée dans son Policraticus. Le mariage redevient une réalité objective, non artificielle, positive, dira Comte. Il est à noter que ce dernier ne tarit pas d’éloges pour Aristote : « sauf l’incomparable Aristote, seul supérieur à toutes les graves aberrations, les philosophes grecs avaient entièrement méconnu la véritable nature de la famille humaine et ses relations nécessaires avec la société »98. Ce retour des universaux en politique ne se fera pas cependant
94. Idem, pour Comte, « la philosophie de Hobbes engendre toute la philosophie négative du XVIIIe siècle, avec sa critique destructive du pouvoir temporel et du pouvoir spirituel ; le succès d’une philosophie aussi “débile” que celle du XVIIIe siècle serait un miracle, à part du mouvement général de décomposition qu’elle termine ». 95. A. Comte, Catéchisme positiviste ; Appel aux conservateurs ; Discours sur l’esprit positif, dans Œuvres, Paris, éd. Anthropos, 1971, t. XI, p. 123. 96. A. Comte, Système de politique positive, op. cit., t. 2, p. 180. 97. Idem, p. 181. 98. Idem, p. 177.

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