Biblio Histoire du droit - Entre amour et droit : le lien conjugal dans la pensée juridique moderne (XVI-XXIe siècles) - 320

LA CRITIQUE DU CODE

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432. D’autres petites modifications du texte de 1804 ont lieu, témoignant cette fois d’une empreinte plus libérale et égalitaire, mais elles sont marginales dans l’économie générale de la loi. Il y a la possibilité de se remarier, après le divorce, avec l’ancien conjoint (modification de l’article 295). Il est amusant de constater que c’est le père Didon, le plus virulent prédicateur catholique contre le divorce209, qui fournit à Naquet un argument en faveur de cette possibilité, lequel en favorisera l’adoption210. Il y a aussi l’abrogation de l’inégalité civile sanctionnant l’adultère. Désormais l’adultère du mari constitue une cause de divorce au même titre que celui de la femme, indépendamment du fait qu’il tienne sa concubine en dehors ou dans la maison commune211. Naquet raconte à ce propos des anecdotes assez savoureuses. C’était la Chambre des députés qui avait voté cette modification, au Sénat la chose fut beaucoup plus difficile à faire passer, mais au bout d’une seconde tentative, le 20 juin 1884, une très courte majorité l’adopte (87 voix contre 82). Voici son commentaire : « ce résultat ne fut pas sans m’effrayer. Plusieurs sénateurs en étaient mécontents à ce point qu’ils déclaraient vouloir désormais se retourner contre nous. À la Chambre même, l’irritation fut extrême. C’était son texte qui avait prévalu. Mais les députés qui l’avaient adopté pour se faire sans doute auprès de leurs électeurs, et peut-être auprès des dames, une réputation de vertu, en avaient escompté le rejet au Sénat. “À quoi sert donc le Sénat, disaient-ils, s’il laisse passer de pareilles fantaisies ?”212. Ce qui faisait peur à Naquet, c’était qu’un certain nombre de sénateurs hostiles au divorce avaient voté ce point, peut-être par stratégie, pour faire échouer l’ensemble du projet213. Cette égalité civile n’empêche cependant pas le maintien de l’inégalité pénale en matière d’adultère214. » Dans un esprit un peu moins libéral cette fois, mais pour satisfaire les catholiques, la conversion de la séparation de corps en divorce ne peut se faire qu’après une procédure judiciaire215. Cela évite à un époux catholique séparé de corps de se voir imposer un divorce de manière unilatérale.
209. Ses célèbres conférences ont été éditées dans Indissolubilité et divorce, Conférences de Saint-Philippe-du-Roule, Paris, nouvelle éd., Dentu, 1892. 210. Contre l’impossibilité civile de se remarier avec son ancien époux, Naquet résume ainsi ce que disait le père Didon : « il montrait un mari et une femme divisés par la passion de la jeunesse, et amenés peut-être par des querelles sans importances à la rupture de leur union. Puis il supposait que, les passions calmées, les colères d’un moment apaisées, ce mari, cette femme, toujours époux aux yeux de Dieu, se réunissaient, avaient un enfant, et il terminait par cette péroraison émouvante : « Ce fruit de la réconciliation et du pardon sera, pour la loi civile, le fruit de l’adultère ». L’argument portait. Je m’en saisis. Au lieu de défendre l’amendement par des raisons de droit humain, je le défendis au nom de la liberté de conscience, comme une concession faite aux catholiques », A. Naquet, La loi du divorce, op. cit., p. 83. 211. L’ancien article 230 était ainsi rédigé : « La femme pourra demander le divorce pour cause d’adultère de son mari, lorsqu’il aura tenu sa concubine dans la maison commune », il dispose désormais ceci : « La femme pourra demander le divorce pour cause d’adultère de son mari ». 212. A. Naquet, La loi du divorce, op. cit., p. 105. 213. Idem, p. 106. 214. Articles 336 à 339 du Code pénal, emprisonnement d’un côté, amende de l’autre. 215. Article 310 : « Lorsque la séparation de corps aura duré trois ans, le jugement pourra être converti en jugement de divorce sur la demande formée par l’un des époux. Cette nouvelle demande sera introduite par assignation, à huit jours francs, en vertu d’une ordonnance rendue par le président. Elle sera débattue en chambre du conseil. L’ordonnance nommera un juge rapporteur, ordonnera la communication au ministère public et fixera le jour de la comparution. Le jugement sera rendu en

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