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ENTRE AMOUR ET DROIT : LE LIEN CONJUGAL DANS LA PENSÉE JURIDIQUE MODERNE

dans la société comme tout n’est pas bon dans l’individu, que les sociétés organisées ont besoin d’être soumises à la même loi morale que l’individu, il nous faut situer la loi morale hors de la société et hors de l’individu, il faut qu’elle soit une réalité extérieure à laquelle l’espèce humaine se soit adaptée plus ou moins complètement  »92. Voilà le fondement de la théorie de l’institution, une idée objective et naturelle, extérieure aux individus, à laquelle ils doivent s’adapter. « Nous ne saurions trop souligner l’importance de cette idée de l’adaptation »93, ajoute Hauriou, ici réside en effet toute la dimension transcendante de la théorie. L’homme doit se dépasser lui-même et chercher à s’adapter au mieux à cette « force spirituelle vivante » qui le dépasse. « On nous objectera que cette force spirituelle extérieure à laquelle nous imaginons que l’homme s’efforce de s’adapter, c’est tout simplement Dieu »94, Hauriou ne conteste pas l’objection. 491. Hauriou désire remonter à un état du droit antérieur aux déviations du droit naturel moderne, antérieur à Grotius. Naturellement, il recherche alors le droit naturel dans la scolastique : « c’est dans la Somme de saint Thomas ou dans le De legibus de Suarez qu’il faut en chercher la doctrine  »95. Seulement le syncrétisme entre ces deux auteurs conduit à l’abandon des thèses thomistes, comme l’a prouvé le XVIe  siècle, il donne une vision nominaliste du droit et engendre le fameux dualisme du XVIIe siècle français. La théorie d’Hauriou en est une illustration. Il prône « l’individualisme pessimiste » (en raison du péché originel) du XVIe et du XVIIe siècles96, derrière lequel se profile Domat. Sa vision est clairement conforme ici à l’apologie du philosophe Jacques Chevalier sur la pensée idéaliste du Grand Siècle français, les deux auteurs font les mêmes louanges du droit de la seconde scolastique97. L’homme voit l’idéal de la justice mais ne peut complètement le réaliser, il tente de s’y adapter tant bien que mal, mais il fait souvent un mauvais usage de la liberté individuelle que lui confère « l’organisation individualiste de la société »98. Il faut alors que le pouvoir social intervienne pour « la contenir et la régler »99.
92. Idem, pp. 28-29. 93. Ibidem. 94. Ibidem. 95. Idem, p. 21. 96. Idem, p.  24  : «  l’espèce humaine s’est fixée dans cette condition intermédiaire de voir l’idéal de la justice et de ne pas pouvoir le réaliser complètement. De là, le thème de l’individualisme pessimiste : l’homme n’est pas ce qu’il aurait pu être, il se sent déchu ». 97. J.  Chevalier, Histoire de la pensée, 2 – la pensée chrétienne, Paris, Flammarion, 1956, p.  668  : «  à l’aube des temps modernes, ce sont les Dominicains et les Jésuites d’Espagne, vieille terre de fueros et de liberté, qui ont posé, contre l’absolutisme des princes, de leurs légistes et de la Réforme, le fondement véritable de la société ou de la communauté humaine, en montrant qu’il doit être cherché dans une loi naturelle qui n’est pas d’invention humaine, mais qui a Dieu pour auteur [l’auteur critique ensuite la reprise séculière de ces idées par Althusius et Grotius] Pour retrouver l’équilibre qui a été perdu, il n’est qu’une voie  : il faut revenir aux principes posés par les grands docteurs du Moyen âge, principes auxquels les théologiens espagnols de l’âge d’or ont donné leur forme définitive  », Chevalier cite Hauriou en note dans ce passage (Principes de droit public, t.  1, préface, p. 24), Hauriou cite Chevalier (il est pourtant avare de citations) dans sa Théorie de l’institution, op. cit., en conclusion p. 128 (J. Chevalier, L’idéalisme français au dix-septième siècle, Annales de l’Université de Grenoble, 1923). 98. Ibidem. 99. Ibidem  : «  Ainsi, l’individualisme et la liberté ont besoin de correctifs, ils en trouvent de naturels […] dans l’organisation sociale. À l’action de la liberté individuelle s’oppose, pour la contenir et la régler, la réaction du pouvoir social. Sans doute, ce pouvoir n’est pas plus infaillible que la liberté humaine  ; cependant, par cela même qu’il édicte des lois positives, il y a des chances pour
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