Systèmes Pratique - États et marchés financiers - 1re - 19

Le rôle des États dans la formation des marchés financiers

juifs21. À la Renaissance, la Monarchie française exigea des villes qu'elles
jouassent le rôle d'intermédiaire financier. Puis, après la ruine de la place
financière de Lyon, à la suite de la défaite de la France devant l'Espagne en
1577, la Couronne recourut à ses sujets fortunés auprès desquels elle
s'endetta massivement. Progressivement, les financiers chargés de la
collecte des impôts, fermiers et receveurs-généraux, devinrent la principale
source de crédit du roi de France. Ils formèrent « une catégorie sociale
complètement distincte des marchands banquiers »22. Ce phénomène se
retrouva à la même époque dans l'Autriche des Habsbourg23.
Les officiers royaux français constituèrent des compagnies financières,
dont ils étaient les actionnaires, qui émettaient des emprunts dont le
produit était ensuite prêté à l'État. Ces titres de rente furent placés auprès
de toutes les catégories sociales : les compagnies qui les émettaient
inspiraient confiance puisqu'elles étaient en charge du recouvrement fiscal.
De plus, à partir de Louis XIV, la Monarchie procéda massivement à la vente
d'offices, c'est-à-dire d'emplois publics : leur transmission par succession
ou par vente créa un véritable marché concurrent de celui de la rente.
La Monarchie française renforça son contrôle sur la profession d'agent
de change : ainsi, un édit de Charles IX, de mai 1572, « établit à titre d'office les
courtiers de change et de marchandise alors en exercice, à charge pour eux
de prendre des lettres de révision et de se faire agréer par la juridiction
locale »24. Autrement dit, les intéressés furent désormais dans l'obligation
d'acheter leur charge pour exercer le commerce de l'argent. En
décembre 1638, un arrêt du Conseil d'État établit le caractère héréditaire
des charges d'agent de change, et un arrêt du 2 avril 1639 divisa les
courretiers en deux groupes : le premier comprenait les agents de change,
qui devaient s'occuper exclusivement des affaires de change et de la
négociation des effets publics ; le second était composé des simples
courtiers auxquels la négociation des marchandises était laissée. Le
nombre des agents de change fut régulièrement augmenté avant d'être
définitivement arrêté à soixante par un édit de janvier 1723, les prix des
offices étant haussé également, de sorte qu'« à la même date, l'achat d'une
nouvelle création de charge [atteignait] 200 000 livres. »25. Un règlement royal,
21. À partir du XIIe siècle, les juifs furent exclus de nombreux métiers et certains se
spécialisèrent alors dans le prêt à intérêt dont la pratique était en principe interdite aux
chrétiens ; les commerçants du nord de l'Italie, les Lombards, contournèrent la prohibition
et devinrent de véritables banquiers qui prêtaient aux princes des cités italiennes et aux
monarques étrangers. Cf. PELLET R., Droit financier public, op. cit. p. 122 et s.
22. THIEVEAUD J.-M., « Le phénomène financier et les marchés financiers en perspective
historique : des sociétés de bourse antiques à la création de la Bourse de Paris, en
1724 », Revue d'économie financière, 1998, nº 48, p. 21-43.
23. BÉRENGER J., Les Habsbourg et l'argent. De la Renaissance aux Lumières, 2014, Presses de
l'Université Paris-Sorbonne, p. 357 et 438.
24. PAILLET J.-B.-J., Dictionnaire universel de droit français, 1826, Tournachon-Molin éditeurs,
p. 306.
25. THIVEAUD J.-M., « égalité et privilège : le monopole des Agents de change (1305-1987) »,
Revue d'économie financière, 1987, nº 3, p. 105-109.

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