Systèmes Pratique - États et marchés financiers - 1re - 20

États et marchés financiers

du 5 septembre 1784, créa une chambre syndicale sous la forme d'un
« comité » nommé par le lieutenant général de police et composé de « six
agents de change pour aider de leurs conseils les syndics et adjoints. ».
D'autre part, de nombreux édits, arrêts et ordonnances pris sous les règnes
de Louis XV et Louis XVI protégèrent le monopole des agents de change en
sanctionnant les usurpations, dans le but de limiter l'agiotage et la
spéculation sur les titres publics. Mais la Monarchie française n'hésita pas
à faire prévaloir ses intérêts financiers sur ceux de ses prêteurs...

C. La gestion politique de la dette publique à la Bourse
de Paris
Dans la conception dite « mercantiliste » qui s'est imposée en France à
partir du XVIIe siècle (cf. infra), la finance devait être mise au service de l'État,
qui pouvait faire prévaloir son intérêt aux dépens de ses créanciers. Ainsi,
lors des crises financières, le roi procéda à la remise en cause de la valeur
des offices, par divers procédés (création de nouveaux offices qui
affaiblissaient les anciens, obligation de rachats d'office déjà achetés, etc.),
et à la réduction unilatérale des dettes par la confiscation de certaines
fortunes, les financiers servant ainsi de boucs émissaires.
Malgré ces pratiques arbitraires, la Couronne parvint toujours à placer
ses titres grâce à l'action des notaires parisiens ; le marché du crédit
parisien trouvant ainsi « le moyen de fournir chaque année des millions de
livres de prêts aux particuliers tout en alimentant abondamment la dette de
l'État en ressources nouvelles »26. Cette expérience tend à démontrer que le
développement des marchés financiers ne dépend pas de l'existence
d'institutions représentatives garantes du remboursement des dettes
publiques.
D'ailleurs, la Bourse de Paris fut officiellement créée par un arrêt royal
du 24 septembre 1724. Mais ce texte interdit « toute négociation officielle
sur les titres de sociétés autres que celles autorisées par l'État »27. De
plus, l'arrêt n'autorisa que les opérations « au comptant », en interdisant
les opérations à terme, qui auraient permis de jouer à la baisse ou à la
hausse sur les titres publics : parce qu'on « voulut empêcher les ventes
simulées, c'est-à-dire les ventes effectuées sans possession de titres,
encore appelées "ventes à découvert" », l'article 29 dudit arrêt prévit que
les négociations de papiers commerciaux et autres effets seraient toujours
faites par le ministère de deux agents de change, et que les particuliers qui
voudraient en acheter ou vendre devraient remettre l'argent ou les effets en
paiement aux agents de change avant l'heure de la Bourse, sur leur
26. HOFFMAN P. T., POSTEL-VINAY G. et ROSENTHAL J.-L., Des marchés sans prix. Une économie
politique du crédit à Paris, 1660-1870, 2001, Éditions de l'EHESS, p. 221.
27. RICHARD E., « Un exemple de l'application conjuguée des articles 76 du Code de commerce
et 419 du Code pénal à l'épreuve de la révolution industrielle : une véritable question de
susceptibilité », Revue historique de droit français et étranger, 2012, nº 3, p. 421-450.

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