Systèmes Pratique - États et marchés financiers - 1re - 22

États et marchés financiers

IV.

L'invention anglaise du financement
de la dette publique par le marché

En 1565, le financier Thomas Gresham créa la Bourse de Londres, le
London Stock Exchange (LSE), qui fut un temps appelé Royal Exchange
(cf. supra). C'est sur cette place que furent échangées les actions de la
Banque d'Angleterre, qui fut instituée près d'un siècle et demi plus tard.
Dans une de ses Lettres philosophiques publiées en 1734, celle consacrée
aux « Presbytériens », Voltaire vante la tolérance religieuse qui prévalait
en Angleterre, telle qu'elle pouvait être constatée au sein de la Bourse
de Londres. Mais il laisse également entendre que « le fondement de la
société, la véritable religion qui relie au lieu de diviser, c'est l'argent »32 :
« Entrez dans la Bourse de Londres, cette place plus respectable que bien
des cours ; vous y voyez rassemblés les députés de toutes les nations pour
l'utilité des hommes. Là, le juif, le mahométan et le chrétien traitent l'un avec
l'autre comme s'ils étaient de la même religion, et ne donnent le nom d'infidèles
qu'à ceux qui font banqueroute ; là, le presbytérien se fie à l'anabaptiste, et
l'anglican reçoit la promesse du quaker. Au sortir de ces pacifiques et libres
assemblées, les uns vont à la synagogue, les autres vont boire ; celui-ci va se
faire baptiser dans une grande cuve au nom du Père, par le Fils, au SaintEsprit ; celui-là fait couper le prépuce de son fils et fait marmotter sur l'enfant
des paroles hébraïques qu'il n'entend point ; ces autres vont dans leur église
attendre l'inspiration de Dieu, leur chapeau sur la tête, et tous sont contents »33.
Dès l'origine, la bourse anglaise bénéficia « d'une grande indépendance
vis-à-vis des pouvoirs publics », puisqu'elle était souveraine « dans la
définition de son organisation qui reposait sur une convention privée », et si
elle ne jouissait « d'aucun monopole légal », elle détint toujours « un quasimonopole de fait, grâce en particulier au soutien de la Banque d'Angleterre
qui lui réservait le très important marché des gilts (titres d'état) »34. En effet,
pour assurer le succès de la Glorieuse Révolution de 1688, et venir en aide
financièrement à la maison d'Orange dans sa lutte contre la France, un
groupe de financiers créa, en 1694, la Banque d'Angleterre, sous forme
d'une société par actions dont le capital fut prêté en totalité à l'État à un
taux d'intérêt plus faible que celui auquel il souscrivait antérieurement
auprès des orfèvres de Londres.
La Banque d'Angleterre se vit confier la gestion de la dette publique qui
fut cotée en Bourse. La Banque devint ainsi la « maison d'émission » des
titres d'emprunt du Trésor public britannique, qui étaient offerts sur le
32. PERROT É., « La monnaie scripturale, nouvelle Écriture » in DEVILLERS V., SOJCHER J. (dir.),
L'argent, valeur et valeurs, 2004, Éditions Complexe, p. 215.
33. VOLTAIRE, « Dictionnaire philosophique », 1838, Ed. Aug. Ozanne, Oeuvres complètes
de Voltaire, Tome sixième, p. 802, en ligne sur le site Gallica.
34. CARON A., « La Bourse de Londres : la concurrence aménagée », Revue d'économie
financière, 1989, nº 10, p. 151-158.

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