Droit et société - La terre de l'autre - 137

LE RÉGIME D’APPROPRIATION FONCIÈRE « EN COMMUNS »

— Ma thèse d’ethnologie, Éléments d’une théorie des rapports de l’homme à la terre en Afrique noire, entièrement consacrée à l’élaboration méthodique et épistémologique de l’analyse matricielle, soutenue à l’université Paris 7 en juin 1972, reposait sur les documents marqués *.

Une approche pluraliste de la structure des rapports d’appropriation « en communs »
Généralités Les rapports d’appropriation dont nous allons modéliser les occurrences sont initialement déduits, comme la liste précédente l’illustre, de travaux africanistes portant sur les parties occidentale et centrale du continent et concernent des situations que nous aurions qualifié de traditionnelles ou de coutumières si cette terminologie avait la précision qu’on attend d’une modélisation. Pour répondre à cette exigence, on posera donc que ce qui réunit ces sociétés c’est le fait que leurs régimes fonciers ne reposent pas 139 sur la propriété privée et donc l’objet de notre recherche est d’identifier puis d’analyser ce qui, parmi les règles d’appropriation que ces sociétés mettent en œuvre, en tient lieu. Les données réunies depuis plus de quarante ans me conduisent, en fait, à distinguer deux situations, les sociétés qui ne connaissent pas encore la propriété et celles qui en démultiplient les implications par des régimes de propriété commune/communaux. Il y a d’une part des sociétés qui ne se posent pas la question de la propriété de la terre d’une manière spontanée et privilégiée. Là où j’ai observé des régimes d’appropriation « en communs », à un moment (à la fin des années 1960 et au cours des années 1970) et dans des circonstances qui déjà soumettaient nombre de comportements au capitalisme, le droit d’aliéner était connu, mais, plus ou moins vivement condamné, il n’était pas la principale règle du jeu. Dans ces sociétés, nous l’avons appréhendé dès l’introduction générale, la bonne question est celle de l’appropriation de l’usage de la terre à des activités et selon des fonctions reconnues par la société pour assurer sa reproduction. Et il y a d’autre part nos sociétés contemporaines dans lesquelles les régimes de propriété privée ont abouti à des contraintes ou des excès tels que sans remettre en cause la généralité du régime de propriété privée, on a inventé progressivement depuis le début du XIXe siècle deux régimes complémentaires qui, terminologiquement, semblent s’inscrire en continuité avec le régime propriétariste alors que, structurellement, ils manifestent des ruptures ou des innovations. Il s’agit ici du régime civiliste des communaux (art. 542 CC) qui est un régime de propriété « des habitants d’une ou de plusieurs communes » et non d’appropriations « en communs ». La propriété privée est reconnue mais son exercice limité. Il relève de la troisième partie de cette recherche. Le second a pour origine les droits de propriété littéraire et artistique et est dénommé plus généralement régimes de droits de propriété intellectuelle. Ces droits ont le caractère absolu du droit d’aliéner mais leur
139. À titre exclusif ou substitutif comme on le verra plus loin.

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DROIT ET SOCIÉTÉ, VOL. 54, 2011
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