Droit et société - La terre de l'autre - 395

LA TERRE, ENJEU PATRIMONIAL, DANS UN CONTEXTE DE DÉVELOPPEMENT DURABLE

lesquelles les sanctions manquent souvent de précision ou d’efficacité si elles en restent à l’échelle de la fiction de la personne juridique. Le recours à l’éthique, cette norme que l’on invoque quand toutes les autres sont à la peine ou en panne, vient donc tantôt combler un silence de la loi, tantôt en conforter l’application. L’accent mis sur la responsabilité de l’acteur illustre également un trait essentiel de ce nouveau droit en train de naître, l’accent mis sur l’acteur et ses procédés et procédures plutôt que sur le dispositif normatif donc sur un droit des formes plus que sur un droit des normes. Pour apprécier enfin ce que suggère une gestion patrimoniale placée sous le signe de la responsabilisation, on relèvera une réflexion introductive de PierreMarie Dupuy à la notice « responsabilité » du Dictionnaire de la culture juridique 288. « Toujours, en effet, les origines historiques et les traditions sociales projettent, parfois clandestinement, leur ombre portée sur la façon dont un ordre juridique conçoit et organise l’articulation entre ses normes et les conséquences de leur violation. La dimension anthropologique de la responsabilité et avec elle sa dimension symbolique instruisent la façon dont le droit perçoit la relation entre sa méconnaissance et les réactions sociales organisées qui lui sont rattachées. » (Dupuy, 2003, p. 341) L’auteur nous invite également à « constater combien chacun demeure marqué, dans sa façon d’aborder tout problème juridique de responsabilité, par ses propres conceptions éthiques sinon toujours par son idéologie politique » (Ibidem). Ceci posé, et comme je le relevais ci-dessus, « le membre d’une société est toujours inscrit dans une pluralité de communautés d’intérêts pouvant dépasser les limites de cette société. Il dispose dans chaque cas, donc dans chaque groupe ou dans chacun de ces “mondes”, d’un statut, c’est-à-dire d’une position juridique. » C’est cela qu’il nous faut mettre en musique, d’où quelques brefs commentaires relatifs aux deux termes intérêts et communauté. Quels intérêts en cause ? Bernard Stirn relève une « évolution, décrite par Albert O. Hirschman dans son ouvrage Les passions et les intérêts, qui fait de l’intérêt, pris d’abord de manière étroite et égoïste, le successeur du bien commun (…et) va de plus en plus s’identifier à l’intérêt général » 289. Rappelons, à la suite de cet auteur, quelques considérations juridiques puis un commentaire plus anthropologique. « L’intérêt est une notion de caractère transversal qui occupe une place beaucoup plus vaste, tant en droit privé qu’en droit public. Touchant d’abord à la procédure, l’intérêt définit l’accès au prétoire. Selon un adage de l’ancien droit, « l’intérêt est la mesure des actions. Pas d’intérêt, pas d’action ». La procédure civile et la procédure administrative demeurent imprégnées de cette règle dont elles font une application d’une manière très voisine. L’intérêt est
288. Pierre-Marie DUPUY, « Responsabilité », in Denis ALLAND et Stéphane RIAL (éds.), Dictionnaire de la culture juridique, PUF-Lamy, Paris, 2003, p. 1341-1347. 289. Bernard STIRN, « Intérêt », in Denis ALLAND et Stéphane RIAL (éds.), op. cit., p. 847-852, [p. 847].

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DROIT ET SOCIÉTÉ, VOL. 54, 2011

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