Bibliothèque de finances publiques et fiscalité - Les doctrines financières publiques en France au XIXe siècle -1 - 355

TRANSFORMATION ET APPROFONDISSEMENTS DES MISSIONS DE L’ÉTAT

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1451. Ce tableau montre que si l’ensemble des dépenses civiles sont l’objet d’un mouvement haussier – quitte à ce que les rythmes soient irréguliers, elles n’évoluent pas toutes selon des cadences comparables. 1452. On ne revient pas sur les dépenses de travaux publics et d’action économique : on identifie bien l’impact du plan Freycinet ; et, au-delà même de son terme, on observe comme un cliquet anti-retour à l’œuvre, puisque ces dépenses ne redescendent plus à leur niveau d’origine. En outre, on note que ces dépenses ont crû de manière plus importante que les dépenses publiques globales. 1453. Cependant, ce sont les dépenses d’action sociale et d’éducation qui semblent avoir augmenté le plus et dans les proportions les plus flagrantes par rapport à l’évolution financière publique globale. Comme le relève Louis Fontvieille, les chiffres de ce tableau ne concernent que les dépenses de l’État stricto sensu ; or, s’agissant des dépenses à finalité sociale, cette restriction fausse considérablement la perspective puisque « la dépense des collectivités locales et des établissements publics est dix fois plus élevée sur la quasi-totalité de la période »72. Alors que ces dépenses représentent à la fin du Second Empire moins de 10 millions annuels si on ne considère que l’État, ce chiffre grimpe, pour la même période, à plus de 125 millions de francs par an si on considère maintenant l’ensemble des dépenses publiques. Trente ans plus tard, à la fin de la longue stagnation, les dépenses de l’État dans ce domaine ont plus que doublé ; au niveau global, les dépenses sociales avoisinent les 220 millions, ce qui correspond à une augmentation, plus mesurée mais plus que significative, de 75 %. 1454. Cette hausse ne peut pas s’expliquer par la hausse des prix – puisqu’ils baissent. En outre la demande sociale pour ce type de dépenses n’explique pas seule l’entièreté de la hausse, car, notamment, la fréquentation des hospices et des hôpitaux n’a augmenté sur la période que d’environ un tiers… Selon Louis Fontvieille, l’évolution des dépenses sociales atteste donc d’un « changement qualitatif du service produit [tenant aux] conditions matérielles de l’accueil des malades et des vieillards dans les hôpitaux et hospices, en particulier de la nourriture et des soins médicaux »73. 1455. Ce que cette analyse révèle, c’est que la hausse des dépenses publiques à finalité sociale lors du dernier tiers du XIXe siècle – qui apparaît dès lors, de ce point de vue, comme une période de transition – ne s’explique que partiellement par des données conjoncturelles, mais traduit surtout des transformations structurelles de l’État et de l’action publique. 1456. Ce constat se confirme si on observe les dépenses d’éducation et d’enseignement. La dépense publique d’enseignement de l’État est multipliée par près de 9 en trente ans ; mais la dépense publique globale passe d’une cinquantaine de millions de francs annuels en moyenne entre 1865 et 1869 à environ 280 millions annuels en moyenne pour les cinq dernières années du siècle – soit une multiplication par près de 6 !

72. Louis Fontvieille, « Les finances publiques pendant la longue stagnation », in La longue stagnation en France – L’autre grande dépression, 1873-1897, Yves Breton, Albert Broder, Michel Lutfalla (dir.), Economica, 1997, p. 333. 73. Idem, p. 334.

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