Bibliothèque de finances publiques et fiscalité - Les doctrines financières publiques en France au XIXe siècle -1 - 36

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LES DOCTRINES FINANCIÈRES PUBLIQUES EN FRANCE AU XIXe SIÈCLE

64. De cette pluralité indépassable, résulte une grande difficulté à penser la doctrine comme source du droit – ce qui, au demeurant, ne signifie pas qu’elle ne l’est pas. Pourquoi ? D’abord parce que la doctrine n’est pas porteuse d’un discours unique ; ensuite parce que renvoyant aussi bien à de la forme qu’à de la matière, elle peine à trouver sa place dans la typologie des sources. 65. On distingue classiquement les sources formelles des sources matérielles du droit.  Une difficulté de positionnement se trouve ici. Une autre gît dans le positionnement de la doctrine par rapport au droit même : selon la conception théorique du droit retenue, la doctrine peut être partie prenante de la phénoménologie juridique, ou au contraire se trouver placée en position d’extériorité, devenant alors un discours d’expert sur un objet auquel elle est elle-même étrangère. Sur ce plan, la question concerne en réalité le statut de la science par rapport à son objet – la question étant donc de savoir si une science peut être objective, et donc valable, si elle est elle-même partie prenante de l’objet qu’elle se doit d’étudier. Autrement dit, se pose la question de savoir si et comment la scientificité de la doctrine peut se concilier avec son rôle – s’il est avéré – ou du moins sa prétention à être une source du droit. 66. On ne pourra pas faire, sur ce point, plus clair et intelligible que le professeur Beaud, s’appuyant lui-même sur des écrits du professeur Picard, dans son article consacré à la doctrine dans le dictionnaire de la culture juridique. « Il y aurait donc deux acceptions, deux significations, de ce terme : d’un côté, le contenu, de l’autre, le contenant. […] On ne saurait cependant se contenter d’enregistrer cette vision duale de la doctrine, clivée entre les opinions (contenu) et la condensation formelle de ces opinions (littérature du droit). En effet, il existe une troisième signification possible du mot de doctrine : celle de science du droit ou de pensée juridique. Selon cette troisième acception, la doctrine est «  l’organe de la science du droit » (Bonnecase). […] Mais cette noble mission confiée à la doctrine, qui rejoint un peu l’idéal prôné par Savigny du juriste, “prêtre terrestre”, a été contestée, à l’intérieur de la discipline juridique, par la théorie contemporaine du droit à la tête de laquelle se trouve la théorie kelsénienne du droit. Celle-ci a opposé à l’impureté de la doctrine la pureté de la science du droit, et a donc entendu remplacer la première par la seconde. De synonymes, les deux termes sont devenus antagoniques. Doctrine (au sens de ou bien) science du droit ? Voici un conflit qui porte sur les deux manières de concevoir la connaissance du droit, et qu’on peut résumer ainsi : la science du droit, “malgré un rapport à son objet initialement assez ambigu, entend se placer en dehors du droit, tandis que [la doctrine] entend, au contraire, s’impliquer délibérément en lui.” (E. Picard, p. 123). Selon la conception “scientifique” (ou épistémologique) du droit, la science du droit, par opposition à la doctrine, admet qu’elle crée de “la connaissance sur le droit”, mais elle refuse délibérément de “participer à l’élaboration du droit”. Son axiome majeur est la distinction entre l’activité cognitive, la science, objet de connaissance, et l’objet étudié, le droit, qui doit être extérieur à celui qui l’appréhende. La science décrit ce que le droit prescrit, tel est le leitmotiv de cette philosophie que Kelsen répète dans la Théorie générale des normes, et qui se fonde sur un idéal d’objectivité scientifique, largement emprunté au modèle épistémologique des sciences de la nature. En revanche, la doctrine a “une conception, à certains égards intéressée de la connaissance du droit : elle entend le connaître et le révéler en lui-même, dans un but en définitive opératoire, efficient, qui concerne le droit lui-même. En tant qu’entreprise cognitive, même lorsqu’elle se présente avec les traits d’une science, elle apparaît donc fondamentalement téléologique ou
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