Bibliothèque de finances publiques et fiscalité - Les doctrines financières publiques en France au XIXe siècle -1 - 383

CONSTRUCTION ET FORMATION D’UNE NOUVELLE FAçON DE GOUVERNER

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1563. Il faut dire que la structure des ressources publiques est très différente dans les deux pays. Jean Meyer fournit les chiffres suivants43. Angleterre France Impôts directs 24 % 48,9 % Impôts indirects 74 % 39,2 % Domaines 2% 11,9 %

1564. Le système français repose essentiellement sur la fiscalité directe et laisse une part importante aux ressources domaniales ; à l’évidence, ces techniques de financement sont plus facilement identifiables et perceptibles par les contribuables que celle de la fiscalité indirecte, privilégiée outre-Manche. Ces considérations ne sont pas totalement inconnues à l’époque puisqu’on les retrouve « à la veille de la Révolution dans le Dictionnaire encyclopédique de Pankouke44, dans les trois volumes “Finances” – sans infléchir, en quelque manière, les “idées” financières des futurs révolutionnaires. [Elles confirmaient pourtant,] pour l’essentiel, ce que Montesquieu avait entendu de la bouche d’hommes d’État anglais compétents ; à savoir que la France était l’un des pays moyennement imposés, bien moins que l’Angleterre […] ; que le système fiscal le plus efficace était l’anglais, parce que le seul à reposer pour près des deux tiers sur les impôts indirects »45. 1565. La perception du poids de l’État dépend donc de paramètres techniques que la discipline « finances publiques » doit permettre de gérer – d’optimiser – pour obtenir le meilleur rendement financier possible pour le poids – politique – le plus faible possible. D’ailleurs sur le xviiie siècle qu’il étudie, Jean Meyer met en avant que la France, outre un niveau de pression fiscale plus bas, présente une faculté contributive supérieure à celle de l’Angleterre46 ; pourtant la capacité d’emprunt de l’Angleterre est supérieure à celle de la France47. Les choses se présentent donc ainsi : la perception du poids de l’État est en partie techniquement déterminée et produit, potentiellement, des effets d’ordre politique ; or c’est la discipline financière publique qui permet d’appréhender et de maîtriser le déterminant – en vue d’obtenir, évidemment, un certain produit, préféré à n’importe quel autre et dès lors non équivalent. 1566. Autrement dit, la discipline financière publique se trouve être à la ligne de partage, et constitue sans doute la voie de passage, entre conditionnement technique et objectif politique. Au xviiie siècle, alors que la pression fiscale est plus basse en France mais le poids de l’État plus élevé qu’en Angleterre, les deux pays se trouvent dans des situations politiques fort différentes. Alors que chez nous, le pays vit encore dans une monarchie absolue qui peine à se réformer, Albion est engagée depuis des siècles dans la voie de l’État parlementaire, dont le modèle aura nourri la pensée libérale. Or, nous avons établi que la science des finances a forgé ses concepts dans la pensée libérale, laquelle précisément se donne comme objectif sinon d’affaiblir l’État face à l’individu, du moins d’alléger la charge que le premier fait subir au second. Il nous faut en conclure que l’augmentation de la ressource publique n’est pas incompatible avec cet objectif – même s’il va de soi
43. Jean Meyer, Le poids de l’État, PUF, 1983, p. 62. 44. Sic – L’orthographe plus communément admise est Panckoucke. 45. Jean Meyer, Le poids de l’État, PUF, 1983, p. 44. 46. Voir Jean Meyer, Le poids de l’État, PUF, 1983, p. 60-61. 47. Voir Jean Meyer, Le poids de l’État, PUF, 1983, p. 64.

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