Bibliothèque de finances publiques et fiscalité - Les doctrines financières publiques en France au XIXe siècle -1 - 388

370

LES DOCTRINES FINANCIÈRES PUBLIQUES EN FRANCE AU XIXe SIÈCLE

1587. Il en va ainsi pour toutes les sciences. Ainsi la « science du droit » ne « répond pas à la question : devrait-il y avoir un droit et devrait-on instituer justement ces règles-là ? Elle peut simplement indiquer que lorsque nous voulons un certain résultat, telle règle de droit est, d’après les normes de la doctrine juridique, le moyen approprié pour l’atteindre »53. 1588. Un raisonnement similaire permet de conclure que la science financière publique ne doit pas se poser la question de savoir si telle ou telle somme d’argent mérite d’être dépensée ou non ; par contre, elle doit donner les moyens de décrypter les conceptions théoriques de l’État sous-tendues par telle ou telle décision financière publique ; elle doit aussi par ailleurs fournir les moyens que telle somme d’argent public soit mise en œuvre de manière régulière et transparente. Dans le sillage de la pensée wéberienne, la science financière est marquée du sceau de la neutralité axiologique. 1589. Science et politique obéissent à des logiques fort différentes et remplissent des fonctions différenciées intervenant dans les processus d’action publique. 1590. Savants et hommes politiques sont dès lors deux rouages différemment utiles à l’action de l’État. 1591. Il n’en reste pas moins qu’un discours scientifique n’est identifié comme tel qu’en vertu d’un référentiel propre à une époque et une civilisation. Sans doute la réalité des phénomènes scientifiques est-elle invariante dans le temps, mais les critères d’identification d’un discours scientifiquement valables évoluent en fonction des valeurs mises en avant par une société donnée à un moment donné de son histoire. La neutralité axiologique du savant n’a pas pour effet de gommer cette particularité, sinon de la science, du discours scientifique à tout le moins. 1592. La science financière publique s’est formée, on le sait, dans des discours d’inspiration libérale. En outre, si le fait qu’il y ait de l’argent public n’est pas en soi signifiant, ce qui l’est, par ailleurs, c’est qu’existe un discours financier public de nature scientifique ; la réception par l’État, au moyen des mécanismes d’institutionnalisation à sa disposition, de la pensée scientifique financière publique traduit le fait que celui-ci entend s’inscrire pleinement dans la logique libérale de limitation – par des instruments juridiques notamment – du pouvoir. La neutralité axiologique applicable à cette science signifie qu’est laissé pleinement ouvert à la décision politique le contenu des politiques qui doivent être menées ou pas ; il n’y a donc pas de présupposés induits justifiant ou condamnant tel ou tel usage de l’argent public.

§ 2. LA LIAISON ENTRE POLITIQUE ET TECHNIQUE
1593. La nature même de son objet fait que les finances publiques présentent, par rapport à d’autres champs disciplinaires, des spécificités assez marquées. Si, pour reprendre l’exemple précédent, l’euthanasie pose des questions médicales au médecin et éthiques au politique, il n’en va pas de même des questions posées par les finances publiques à l’expert et au politique, puisque ces questions ne sont pas de nature fondamentalement différente.
53. Idem.

Bibliothèque de finances publiques et fiscalité - Les doctrines financières publiques en France au XIXe siècle -1

Table des matières de la publication Bibliothèque de finances publiques et fiscalité - Les doctrines financières publiques en France au XIXe siècle -1