Bibliothèque de finances publiques et fiscalité - Les doctrines financières publiques en France au XIXe siècle -1 - 399

CONCLUSION

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juridique. La doctrine est, par essence, partie prenante du droit. Or, « aujourd’hui […] il se trouve que le droit interpelle davantage la conscience que la science, parce qu’en cette période de crise du droit, plus fondamentale qu’à l’ordinaire, il a besoin de déterminer ses valeurs, il appelle une remise en ordre, une reconstruction de sens : il a besoin d’imagination et d’invention, d’itinéraires et de projets, et encore de l’autorité de ceux qui participent à cette œuvre de connaissance et de compréhension ; toujours en quête de vérité, il a besoin de repères, de balises et de phares, c’est-à-dire de maîtres à penser […] »1. 1645. Cet appel à une régénération doctrinale, à la lumière de nos développements, sonne comme une mise en garde : les finances publiques n’ont accédé à l’autonomie disciplinaire au sein des facultés de droit qu’au nom de l’alliance de l’expert et du politique ; la doctrine financière publique moins que toute autre sans doute ne peut s’autoriser la tentation de la technicisation intensive de son propos. Elle doit garder à l’esprit que son rôle ne saurait être de préconiser des stratégies financières aux gouvernants, mais de donner à ces derniers les clés de décryptage de leurs choix et les connaissances techniques qu’ils requièrent. 1646. Dès lors, l’équilibre budgétaire ou la réduction de l’endettement ne sauraient constituer des objectifs pour la science financière, davantage que la redistribution des richesses ou la socialisation des risques. En revanche, si tels sont les objectifs que les politiques s’assignent, alors il est de son propos de mettre en évidence les valeurs que ces choix mettent en œuvre, et les moyens techniques pour les réaliser. 1647. L’examen de l’histoire doctrinale des finances publiques au xixe siècle a sans doute pour effet de questionner la modernité de certaines idées très en vogue actuellement. Notamment, habillée de l’anglicisme « management », l’idée qu’on devrait gérer les deniers publics comme ceux d’une entreprise privée n’est peut-être ni si neuve ni si novatrice qu’on pourrait le penser de prime abord. 1648. Une de ses implications concrètes la plus immédiate et la plus visible, quotidiennement, y compris par le profane, c’est qu’elle déplace la légitimité scientifique en finances publiques des juristes vers les économistes. Il suffit de regarder leur visibilité médiatique respective lorsqu’il s’agit d’aborder ces questions ! Il suffit, au surplus, de manière sans doute moins empirique, de relever qu’«  entreprise  » est une notion de la langue économique, et pas un concept juridique… 1649. En fait de nouveauté, c’est un curieux retournement de l’histoire, laquelle avait, comme on l’a montré, d’abord arraché les finances publiques à l’économie. Il y a aussi une pointe d’ironie derrière car cette séparation s’était précisément jouée à la fin du xixe  siècle et finalement concrétisée dans les premières années du xxe, alors que les réflexions de Fayol ou de Taylor, soucieux d’utiliser au mieux les instruments de gestion de l’entreprise que l’économie moderne procurait, initiaient la science du management. En fait de novation, il y aurait en réalité un certain faux sens historique qui nierait les fondements disciplinaires des finances publiques. 1650. Il est d’autant plus important d’être vigilant sur l’étendue et la portée du modèle entrepreneurial qu’on sait l’importance de ce qui s’est joué à travers la
1. Étienne Picard., « Science du droit ou doctrine juridique », in L’Unité du droit. Mélanges en hommage à Roland Drago, Paris, Economica, 1996, p. 170.
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