Bibliothèque de finances publiques et fiscalité - Les doctrines financières publiques en France au XIXe siècle -1 - 60

LES DOCTRINES FINANCIÈRES PUBLIQUES EN FRANCE AU XIXe SIÈCLE

186. Le vocabulaire est très violent, donnant le sentiment d’un combat à mener, la défense des intérêts supérieurs et vitaux du pays semblant en jeu17. Il ne semble pas y avoir de débat : si on s’attache à analyser l’argumentation déployée dans ce paragraphe, il nous faut noter que son pivot est affirmé sans être justifié ni étayé, il est en quelque sorte asséné. Cela se comprend aisément : ce sont les convictions de l’auteur qui lui dictent ces lignes. La clef de voûte de ce passage semble en effet être la phrase suivante : « mais voilà l’objection : c’est que précisément le budget ne doit pas être utilisé à cet usage ». Elle trouve une forme d’écho dans la phrase « l’impôt ne doit pas être employé à réaliser telle ou telle théorie sociale ». Les phrases en questions sont simples et directes, elles affirment beaucoup plus qu’elles ne démontrent. 187. Le ton extrêmement cru utilisé est révélateur du climat en cette fin de xixe siècle. Les positionnements idéologiques sont très clivants, beaucoup plus qu’aujourd’hui. On peut dire à la limite que ce qu’on trouve dans cette préface de Stourm, introduisant un Cours de finances, c’est un libéralisme idéologique militant, le ton semblant tout autant exprimer l’adhésion à une position idéologique que chercher à la susciter chez le lecteur. 188. La référence au contrat social dans les extraits précédents doit être notée. Elle est une pierre angulaire de la pensée libérale. On la retrouve souvent servant d’étai à la théorie de l’impôt-contrepartie (encore appelée théorie de l’impôt-échange), très intimement liée à la conception de l’État comme un gendarme. En effet, de manière sans doute plus diffuse et moins visible, choisir d’adhérer à la théorie de l’impôt-contrepartie ou à la théorie de l’impôt-solidarité est révélateur d’une certaine conception du rôle (ou des rôles) que l’État doit jouer. 189. « La conception échangiste de l’impôt, ou encore la thèse de l’impôtassurance ou impôt-contrepartie, a prédominé pendant la seconde moitié du XVIIIe et au cours du XIXe. Elle pose l’impôt comme le prix payé par le contribuable pour la sécurité et les services que lui apporte l’État. On doit la rattacher aux courants contractualistes (ceux du contrat social) selon lesquels un pacte aurait été conclu de manière tacite entre les individus et l’État, les premiers acceptant d’aliéner une part de leur liberté et de leurs biens en échange d’une garantie de sécurité. D’un tel point de vue, il peut être déduit l’existence d’une sorte de « contrat fiscal » se présentant soit comme un contrat d’assurance, soit comme un contrat de louage d’ouvrage »18. Ainsi trouve-t-on les prémisses de cette théorie chez Hobbes, Locke, ou encore Rousseau. 190. On la trouve chez Paul Leroy-Beaulieu qui affirme aussi sans aucune ambiguïté son adhésion à cette vision de l’impôt, et donc partant, à une certaine vision de l’État. « Est-ce que rationnellement l’impôt ne doit pas être réparti de telle façon que chacun paie strictement le juste prix des services qu’il reçoit et la juste part qui lui incombe dans les dettes de la société ? Que dirait-on d’un boulanger, d’un épicier, ou d’un marchand quelconque qui voudrait faire payer sa marchandise non pas un prix uniforme pour la même qualité et la même
17. Le sentiment de patriotisme apparaît comme tout à fait caractéristique des écrits de cette époque. 18. Michel Bouvier, Introduction au droit fiscal général et à la théorie de l’impôt, LGDJ, 9e édition, 2008. C’est l’auteur qui souligne.

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