Hors collection - La Constitution marocaine de 2011 - 99

ABDERRAHIM EL MASLOUHI

davantage qu’au régime parlementaire dualiste moderne 28. Certes, sous l’empire de la nouvelle Constitution, le roi ne saurait mettre fin aux fonctions du chef du gouvernement ni à l’ensemble du corps exécutif. On notera toutefois que le droit discrétionnaire de dissolution (articles 51 et 96) induit, indirectement, les mêmes conséquences puisque le renvoi du parlement et la convocation d’élections législatives anticipées impliquent forcément la constitution d’une nouvelle équipe gouvernementale. Le nouveau mode de désignation du chef du gouvernement apporte, en ´ revanche, une atténuation majeure à cette lecture orléaniste. Elevée au rang de norme constitutionnelle, l’émanation démocratique de l’exécutif, critère de fond du parlementarisme sous toutes ses variantes, aménage un espace de gouvernement autonome dans lequel le pouvoir exécutif serait, de facto, directement responsable devant les gouvernés par l’intermédiaire des élections. La désignation obligatoire du chef du gouvernement parmi les dirigeants du parti arrivé en tête des élections des membres de la Chambre des représentants (article 47) coïncide avec cette logique propre au parlementarisme où voter pour un parti, c’est en même temps choisir le chef de l’exécutif. Le roi ne pouvant nommer librement ni renvoyer le chef du gouvernement, ce dernier saura qu’il ne pourra y demeurer qu’aussi longtemps que les électeurs lui font confiance 29. Une autre conséquence, et non des moindres, du nouveau mode de désignation du chef du gouvernement est de conforter la séparation organi` que entre royauté et pouvoir exécutif. A la charnière de la légitimité royale et de la légitimité électorale, le gouvernement est plus que jamais une émanation du parlement. Parce que seuls les résultats du scrutin législatif décideront désormais de la formation de l’équipe gouvernementale, celleci ne devant s’analyser que comme un prolongement organique de la majorité parlementaire. Le Maroc sacrifie là à une pratique constitutionnelle – fort répandue, mais presque jamais transcrite dans le droit écrit 30 – du parlementarisme. La nomination du premier ministre était, sous l’empire de la Constitution du 13 septembre 1996, ainsi que sous celui de ses devancières, un acte discrétionnaire du roi. L’existence d’une procédure d’investiture parlementaire, au terme de laquelle le gouvernement désigné par le roi devait être crédité de la confiance de la Chambre des représen` tants 31, n’affectait en rien ce pouvoir discrétionnaire. A l’époque, une partie de la doctrine exposa ainsi le rôle manifestement résiduel auquel était
28. C’est le cas notamment de la France (article 8) où le président de la république ne peut mettre fin aux fonctions des membres du gouvernement que sur proposition du premier ministre. 29. Jean-Noël Ferrié et Baudouin Dupret, « La nouvelle architecture constitutionnelle et les trois désamorçages de la vie politique marocaine », in Confluences Méditerranée, 2011/3, no 78, p. 31. 30. Pour autant que nous le sachions, de toutes les constitutions du monde, seule la Constitution grecque de 1975 stipule formellement que le chef du parti disposant, à la Chambre des députés, de la majorité absolue des sièges est nommé premier ministre (article 37, alinéa 2). Les constitutions européennes gardent le silence à ce sujet. 31. Selon les articles 60 et 75 de la Constitution du 13 septembre 1996.

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