Manuels - Introduction historique au droit (XIIIe-XXe siècle) - 4e - 292

INTRODUCTION HISTORIQUE AU DROIT mariage29. L'ordonnance de Blois constitue l'une des premières interventions importantes de la législation royale en ce domaine. Fidèle à sa doctrine traditionnelle, l'Église venait de répéter, en 1563 dans la 24º session du concile de Trente, qu'un mariage était régulièrement conclu et donc indissoluble dès que les époux avaient échangé leur consentement de façon valide. Cette conception, ne prenant en compte que le seul consentement de ceux qui se mariaient, heurtait la noblesse mais aussi une bonne partie de toute la population qui, afin d'éviter les mésalliances, voulait que le consentement des pères ou de ceux qui avaient autorité sur les futurs conjoints, soit nécessaire à la validité même du mariage, ceci jusqu'à un âge avancé pour les filles comme pour les garçons. Le roi, bien que possédant le pouvoir de faire la loi, n'a pas compétence pour édicter de nouvelles causes de nullité d'un mariage. L'ordonnance de Blois (art. 40-42) et la déclaration de 1639 reflètent parfaitement le rapport de force existant entre les hauts dignitaires ecclésiastiques réunis en concile œcuménique (assemblée d'Église qui dépasse le cadre national du royaume de France) et l'opinion française soutenue par le roi, ou entre le droit canonique et la législation royale en matière matrimoniale. Dans ces lois, le roi n'ose pas contredire expressément les dispositions conciliaires. Néanmoins, il ajoute, par rapport au texte conciliaire, quelques conditions nécessaires à la validité d'un mariage. (Le concile exigeait la présence de trois témoins, l'ordonnance en requiert quatre ; les conditions relatives à la publication des bans précédant le mariage sont plus strictes). En ce qui touche plus précisément la question si controversée du consentement des parents, la loi royale ne peut contredire totalement le concile, mais insiste cependant fortement et punit de la peine de rapt, c'est-à-dire en principe de mort, celui qui aurait séduit une ou un mineur sans le consentement des pères et mères. S'appuyant sur ces dispositions, les parlements ne prononceront guère de condamnation à mort, mais construiront la théorie du rapt de séduction : s'il n'y a pas eu de consentement des parents, il y a présomption de rapt, ce qui constitue un vice du consentement, justifiant l'annulation du 29. J. GAUDEMET, Le mariage en Occident, Paris, cerf, 1987, rééd. 2012 ; B. BASDEVANT-GAUDEMET, Histoire du droit canonique..., op. cit., p. 351-387. Le concile de Trente avait débattu la question du consentement des parents au mariage de leur enfant jusqu'à un certain âge. Rendre ce consentement nécessaire aurait rassuré la noblesse ; en outre cette mesure aurait contribué à la lutte contre les mariages clandestins, que l'Église redoutait tout autant que la société séculière. Une ordonnance d'Henri II, en 1556, sanctionnait ce défaut de consentement, non pas de la nullité du mariage que seule l'Église pouvait prononcer, mais de l'exhérédation. Pourtant, dans le décret Tametsi pris lors de la 24e session du concile, les Pères siégeant au concile maintinrent l'ancienne discipline, ajoutant seulement que l'Église « détestait et prohibait » les mariages conclus sans le consentement des parents, mais elle ne les déclarait pas invalides. Pour de multiples raisons tenant notamment à une doctrine gallicane rigide, le concile de Trente ne fut jamais reçu en France et ses décrets ne s'appliquèrent donc pas directement. L'ordonnance de Blois reprend un certain nombre de dispositions du concile en matière matrimoniale, effectuant donc, par le biais de la législation royale, une réception partielle des dispositions conciliaires. Elle reprend, avec quelques nuances dans les modalités de mise en œuvre, les dispositions relatives à la publicité des mariages (publication des bans, témoins...), mais la législation royale hésite à édicter expressément l'obligation pour les futurs époux d'obtenir le consentement de ceux sous l'autorité de qui ils sont. Selon les ordonnances royales, cette autorisation n'est pas requise à peine de nullité du mariage, ce qui témoigne du respect du législateur séculier pour la compétence de l'Église sur le lien matrimonial. En revanche, la monarchie édicte de lourdes sanctions patrimoniales à l'encontre de ceux qui passeraient outre à cette autorisation. 292

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