Traité de droit civil - La formation du contrat - Tome 1 -4 - 577

555

LA NÉGOCIATION DU CONTRAT

La jurisprudence reste constante en faveur de la réparation de ce
préjudice.
La Chambre commerciale, le 11 juillet 2006 (243), a ainsi rejeté un moyen qui
contestait la prise en considération, dans le montant des dommages-intérêts alloués,
de l'immobilisation de l'immeuble dont la vente était envisagée. Elle a jugé « qu'ayant
caractérisé la faute de la société Decathlon, c'est dans l'exercice de son pouvoir souverain que la cour d'appel a estimé que la brutale rupture des pourparlers avait causé
à la société Double V un préjudice dont elle a apprécié le montant par l'évaluation
qu'elle en a faite ». Il n'est donc pas interdit de retenir le fait de n'avoir pas pu conclure
la vente avec un autre acquéreur pendant les pourparlers.

768. - Selon M. Deshayes (244), « Si la faute consiste à avoir porté
atteinte à la réputation et l'honneur du partenaire, il est possible d'affirmer
que ce dernier a perdu, pour l'avenir, des chances de conclure un contrat
satisfaisant avec des tiers, rendus méfiants. Le montant sera alors celui de
l'avantage net attendu du contrat qui aurait pu être conclu avec un tiers,
affecté d'un coefficient de minoration qui est fonction de la teneur de la
chance perdue ».
Cet auteur raisonne dans l'hypothèse d'une faute dite de négociation. Son
raisonnement est toutefois transposable à la rupture abusive des pourparlers
et même à une rupture trop brutale que cet auteur écarte pourtant expressément
au motif qu'en libérant le partenaire elle lui permettrait « de chercher plus
rapidement une solution de remplacement ». La brutalité de la rupture fautive
des pourparlers est cependant de nature à augmenter le discrédit sur la valeur
des prestations du négociateur ainsi écarté. Au surplus, dans la pratique, la
prolongation de pourparlers inutiles, suivie de leur rupture brutale, n'ont rien
de contradictoire comme le montre la jurisprudence (245).
769. - Finalement, sous réserve de la réparation de la perte de la chance
des gains espérés de la conclusion du contrat, que la Cour de cassation semble
avoir écarté davantage pour des raisons d'opportunité, d'ailleurs raisonnables,
qu'au nom d'un impératif technique de causalité dont elle aurait soudain découantérieures à l'arrêt
restent valables pour l'essentiel.
La jurisprudence a progressivement posé de façon ferme depuis une quinzaine d'années le régime juridique nuancé de la rupture des pourparlers.
.

(243) Cass. com., 11 juillet 2006, D. no 04-16773.
(244) O. DESHAYES,
, RTD civ. 2004, no 20, p. 197.
(245) V. par ex. Cass. com., 7 janvier 1997, D. no 94-21561, qui caractérise « l'abus du droit [...]
de rompre les pourparlers » en relevant « que les pourparlers [...] s'étaient déroulés pendant une
longue période » et que le défendeur avait « sans motif légitime, rompu brutalement les pourparlers ». - Cass. com., 25 février 2003, D. no 01-12660. - Cass. com., 22 avril 1997, D. no 94-18953.

Traité de droit civil - La formation du contrat - Tome 1 -4

Table des matières de la publication Traité de droit civil - La formation du contrat - Tome 1 -4