Les Grandes Décisions - Les grands avis du Comité consultatif national d'éthique -1 - 9

Introduction

L’Éthique est plurielle. Outil de régulation sociale, elle fonde son approche
intellectuelle sur un examen des fondements de la morale. Elle interroge les
règles à partir de principes et de valeurs parfois contradictoires sans omettre de
tourner ses interrogations vers les principes et les valeurs lorsque les règles qui
en découlent paraissent inadaptées. Pourtant, si la pyramide des normes éthiques
n’est pas aussi formelle que celle élaborée par H. Kelsen dans le domaine de la
pensée juridique, c’est parce ce qu’elle a d’abord vocation à fournir des repères
destinés à guider la réflexion sans aspirer à la déterminer.
La création de comités et autres institutions conduit à se poser l’incontournable question de l’institutionnalisation du discours.
Enfin, l’étanchéité affirmée entre éthique et droit se révèle trompeuse. Il existe
nécessairement une porosité entre ces deux ordres normatifs14. J-L Blachon15
considère que les instances éthiques, nationale et locales, « écrivent le processus
et les procédures de réintégration d’un désordre social dans un ordre légal ».
T. Revet16 considère que l’ « inflation des avis en droit » traduit un rôle
croissant de « l’opinion autorisée ». Ce phénomène s’inscrit dans une « procéduralisation » du droit qui fait dépendre la légitimité d’une norme de l’observation
préalable de procédures de consultation préalables qui conduisent à négocier le
projet de norme avec ses futurs destinataires. À l’image, par exemple du droit du
travail, la loi entend refléter l’équilibre des intérêts en présence. L’élaboration
des normes bioéthiques n’échappe pas à cette mécanique, même si les intérêts
qui s’affrontent s’habillent des plus hautes valeurs morales.
Ce phénomène s’accompagne d’une diversification croissante des sources du
droit au-delà de l’univers de la santé. L’éthique, en dépit de ses particularités,
que mettront certainement en évidence les développements qui suivent, n’est
pas étrangère à la multiplication des Agences, des normes et des règles de
bonnes pratiques. L’article 1 de la loi n° 2011-814 du 7 juillet 2011 relative à
la bioéthique autorise « la ratification de la convention du Conseil de l’Europe
pour la protection des droits de l’homme et de la dignité de l’être humain à
l’égard des applications de la biologie et de la médecine : convention sur les
droits de l’homme et la biomédecine, signée à Oviedo le 4 avril 1997 » devrait
encore conforter cet état de fait. L’article 4 de la Convention prévoit en effet
que « Toute intervention dans le domaine de la santé, y compris la recherche,
doit être effectuée dans le respect des normes et obligations professionnelles,
ainsi que des règles de conduite applicables en l’espèce ».
Les interrogations éthiques nourrissent indéniablement la réflexion juridique.
Inversement, le cadre normatif contraignant conduit à des nouveaux questionnements éthiques. La porosité est plus importante qu’il n’y parait, elle est même
14. G. Mémeteau, « Les comités d’éthique, les espaces éthiques et la création du droit », Rev.
de la recherche juridique, droit prospectif, PUAM 2012.
15. J.-L. Blachon, L’ordre juridique public à l’épreuve des sciences de la vie, thèse, Grenoble
févr. 1998.
16. T. Revet (dir.), L’inflation des avis en droit, coll. Études juridiques, Economica, mai 1998,
passim.

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