Hors collection - Le droit français de l'arbitrage - 760

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LE DROIT FRANÇAIS DE L'ARBITRAGE
mission, d'après la cour, leur indiquait de rendre plusieurs sentences (autrement
dit les arbitres n'avaient pas procédé à la bifurcation au mépris des termes de
l'acte de mission) (37).
La Cour de cassation, par un arrêt du 8 mars 1988, a annulé cet arrêt de la cour
d'appel, en énonçant qu'il résultait des articles 1494, 1504 et 1502, 3º anciens du
Code de procédure civile que, si dans l'arbitrage international la mission conférée
aux arbitres pouvait comporter des obligations particulières quant à la procédure
à suivre, et notamment leur imposer de statuer par des sentences distinctes sur la
compétence, sur la recevabilité et sur le fond, c'est à la condition que ces obligations
résultent de clauses expresses et précises de l'acte de mission (38). Le fait
que l'acte définissant la mission des arbitres énumérait, en l'espèce les points
litigieux à résoudre et en indiquait certains comme préalables aux autres n'impliquait
nullement, selon la Cour suprême, la nécessité de trancher les questions
relatives à la compétence et à la recevabilité dans une sentence distincte rendue
avant la sentence sur le fond (39).
L'intérêt de cet arrêt est de souligner d'une part, la liberté de principe de l'arbitre
dans la conduite de la procédure (40), notamment eu égard à la forme des
décisions qu'il prononce (sentence unique ou sentences partielles), et d'autre
part, la faculté des parties d'imposer certaines exigences quant à la conduite de
la procédure, y compris pour la forme et l'objet des décisions du tribunal arbitral
(motivation, bifurcation, etc.).
La cour d'appel de Paris a eu l'occasion par la suite de confirmer l'étendue de
la liberté dont jouit le tribunal arbitral dans l'organisation de la procédure arbitrale,
et la conduite de sa mission, en jugeant que rien n'interdit à un tribunal
arbitral de juger dans la même sentence à la fois la difficulté soulevée sur sa
compétence et le litige au fond (41). Cette latitude qui découle des articles 1464
alinéa 1 et 1509 du Code de procédure civile doit bien entendu s'exercer dans le
respect du principe du contradictoire (42) et du principe énoncé ci-dessus d'indisponibilité
de la qualification de sentence des décisions émises par l'arbitre.
Si l'arbitre peut qualifier à sa guise ses décisions d'ordonnance ou de sentence,
si les parties peuvent dans une certaine mesure lui imposer des qualifications,
ces qualifications n'ont de portée qu'àl'égard de la procédure arbitrale
elle-même et non des ordres juridiques étatiques qui restent souverains dans
leur décision de reconnaître ou non ce travail de qualification (p. ex. l'article 17
37. Paris, 19 déc. 1986, Rev. arb. 1987, p. 359.
38. Cass. 1re
civ., 8 mars 1988, nº 87-11520, Sociétés Sofidifet autres c/OIAETI, Rev. arb. 1989, p. 481, note
Ch. Jarrosson - B. Le Bars, J. Dalmasso, International Commercial Arbitration : Landmark Decisions ofFrench
Arbitration Law, LexisNexis, 2019, thème nº 20. Sur l'autonomie des arbitres dans le règlement de la procédure
arbitrale comp. Paris, 17 déc. 1991, Société Gatoil c/National Iranian oil company (NIOC), Rev. arb. 1993,
p. 281, note H. Synvet.
39. Cass. 1re
civ., 8 mars 1988, Sodidif, Rev. arb. 1989, p. 481, note Ch. Jarrosson cassant Paris, 19 déc.
1986, Rev. arb. 1987, p. 359 - E. Gaillard, « L'affaire Sofidif ou les difficultés de l'arbitrage multipartite (à
propos de l'arrêt rendu par la cour d'appel de Paris le 19 déc. 1986) », Rev. arb. 1987, p. 275.
40. V. supra, nº 582. V. également la liberté et les pouvoirs de l'arbitre quant à la forme de sa décision relative
à l'octroi de mesures conservatoires. V. infra, nº 795.
41. Paris, 10 mars 1995, Rev. arb. 1996, p. 143, note Y. Derains.
42. Sur le principe de contradiction, v. infra, nº 907 et s.
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