Bibliothèque de droit des entreprises en difficulté - Droit des sociétés et droit des entreprises en difficulté - 294

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DroIt DES SoCIétéS Et DroIt DES ENtrEPrISES EN DIffICuLté

488. Il reste que, même si l’on s’en tient à la jurisprudence de la Cour de cassation, le cessionnaire des droits sociaux d’une société en difficulté peut effectivement obtenir l’annulation de la cession, dès lors qu’il s’est trompé sur la situation
réelle de la société. Cette solution n’apparaît guère favorable à la sécurité juridique du règlement à l’amiable des difficultés d’une société utilisant cette technique du droit des sociétés. En réalité ce risque de nullité de la cession est dissipé
lorsqu’elle a été conclue dans le cadre d’une procédure de conciliation ou sous
l’égide d’un mandataire ad hoc. En effet, le cessionnaire ne pourrait pas établir
qu’au moment de la cession la société était dans une situation irrémédiablement
compromise l’empêchant de réaliser son objet social puisqu’aux termes de
l’art. L. 611-8 C. com. l’accord amiable de conciliation, dont fait partie la cession,
permet précisément de rétablir la pérennité de l’exploitation404. De même, malgré
l’absence de dispositions légales expresses, un accord amiable ne saurait être
conclu sous l’égide d’un mandataire ad hoc alors que la situation de la société
dont les titres ont été cédés était irrémédiablement compromise. « L’erreur sur la
viabilité » de la société, sous réserve qu’elle soit consacrée par la jurisprudence de
la Cour de cassation, ne pourrait pas non plus être invoquée : si la société bénéficie d’un mandat ad hoc ou d’une conciliation c’est parce que la poursuite de son
exploitation est menacée à court ou moyen terme ; autrement dit, une société en
difficulté est par définition une société qui n’est plus viable en l’état. En conséquence, le cessionnaire des droits sociaux qui sait acquérir les droits sociaux d’une
société en difficulté ne peut pas, sans se contredire, prétexter après la cession avoir
ignoré que la société considérée n’était pas viable.
489. faute de pouvoir obtenir la nullité de la cession des droits sociaux de la
société en difficulté sur le fondement de l’erreur, le cessionnaire pourrait-il se prévaloir du dol afin d’être délié d’un règlement à l’amiable qui n’a pas produit les
résultats escomptés ?
490. Il faut bien constater que les cessions des titres sociaux de sociétés en
difficulté constituent un terrain d’élection pour le dol. Les cédants peu scrupuleux de sociétés dans cette situation obérée emploient les moyens les plus divers
pour tromper leur cocontractant sur la situation réelle de la société. Il peut s’agir
d’une véritable manœuvre, telle que celle consistant à violer les principes de comptabilisation ou à falsifier les comptes sociaux405 ; ou bien d’un mensonge, résidant
sont cédés constitue une condition tacite de l’engagement du cessionnaire ? A l’inverse, lorsque la
société fait l’objet d’un règlement à l’amiable, l’« erreur sur la viabilité » ne pourrait être invoquée, car
même en considérant que la viabilité de la société constitue une condition tacite de l’engagement du
cédant, celui-ci connaissant l’état de difficulté de la société, ne saurait arguer du caractère déterminant
de ce motif. Dans ces conditions, la consécration de l’« erreur sur la viabilité » de la société pour le
cessionnaire nous semblerait acceptable. Plus encore, appliquer à l’« erreur sur la viabilité » de la
société le régime de l’erreur sur les motifs paraît être une solution plus acceptable que celle considérant
que la situation financière de la société puisse constituer une erreur sur la substance de ses titres
sociaux ; cela éviterait en effet d’attribuer aux droits sociaux des qualités substantielles qui ne sont pas
les leurs au regard de la conception classique. Il existe cependant une critique majeure à cette proposition : permettant au cessionnaire trompé de se prévaloir aisément du vice d’erreur, l’« erreur sur la
viabilité » ne va-t-elle pas porter une atteinte trop grave à la sécurité juridique des cessions de droits
sociaux ?
404. Art. L. 611-8 C. com.
405. CA Paris, 16  avril  1992, Bull.  Joly  Sociétés 1992, p.  624, §  204, note Y.  Chaput  (double
comptabilisation des mêmes factures faisant apparaître un chiffre d’affaires fictif, et permettant de
présenter au cessionnaire une situation bénéficiaire alors qu’elle était déficitaire) ; CA Versailles,
17  juin 1987, JCP  éd.  E, II, 15109, p.  81, note M.-C.  roca (omission d’enregistrer la totalité des
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