Bibliothèque de droit social - Tome 61 - La notion de groupe d'entreprises en droit du travail - 157

La consécration de la notion de groupe en droit du travail

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BP Chemicals, et le groupe Elf. Le comité d'entreprise de la société Naphtachimie se
fondait sur la circulaire pour obtenir son rattachement au groupe Elf. La Cour de
cassation rejette nettement la possibilité pour le comité d'entreprise d'une filiale commune de décider du groupe auquel la filiale peut être rattachée en l'absence d'entreprise dominante. Selon la Cour de cassation, « une société n'appartient à un groupe au
sens de l'article L. 439-1 du Code du travail que si elle dépend d'une société dominante
qui, soit possède directement ou indirectement la moitié du capital social, soit la contrôle
effectivement et forme avec elle un même ensemble économique ; (...) il en résulte
qu'une filiale commune, dont le capital est partagé entre deux sociétés ou groupes de
sociétés qui la gèrent sur un plan de stricte égalité n'appartient à aucun groupe »29. En
refusant tout rattachement arbitraire à l'un ou l'autre groupe, la Cour de cassation se
rallie à la position de Gérard Courturier30 et Pierre Rodière31. La loi du 12 novembre
1996 a-t-elle clarifié la situation de la filiale commune ?
380. La version modifiée de l'article L. 439-1 du Code du travail apporte quelques
précisions permettant d'identifier une entreprise dominante dans des situations où la
prise en compte du seul critère de la détention en capital ne le permettait pas, sans
pour autant régler le fond du problème. En effet, même si la loi du 12 novembre 1996
n'a pas repris la disposition selon laquelle une entreprise ne peut être rattachée qu'à
un groupe, il n'est pas pour autant possible d'en déduire que le législateur admet dorénavant le rattachement simultané de la filiale commune à deux groupes. L'article L. 439-1 II, alinéa 432 est suffisamment révélateur de l'intention du législateur sur
ce point, en posant que « lorsque plusieurs entreprises satisfont, à l'égard d'une même
entreprise dominée, à un ou plusieurs des critères susmentionnés, celle qui peut nommer
plus de la moitié des membres des organes de direction, d'administration ou de surveillance de l'entreprise dominée est considérée comme l'entreprise dominante ». En
définitive, le problème de la situation des filiales communes n'est pas véritablement
réglé et, on ne peut déduire de cette rédaction, le caractère obsolète de la jurisprudence « Naphtachimie »33. Certes, l'introduction du critère de la puissance de vote et
de nomination des dirigeants permet de « mieux cerner la notion de filiale commune
elle-même à deux sociétés, compte tenu de l'émission possible de titres dépourvus de droit
de vote ou conférant un double droit de vote »34, mais elle ne résout pas le cas des véritables filiales communes.
381.  Les difficultés liées à l'existence d'une filiale commune révèlent indirectement que le groupe est perçu par le législateur comme une structure de domination
sans partage35, dans laquelle le pouvoir s'exerce de manière exclusive et, qu'« à défaut
de société dominante, la simple existence d'une participation d'une société dans le capital
29. Cass. soc., 9 février 1994, n° 91-11429, Dr. soc. 1994, p. 255 ; D. 1994, IR, p. 71 ; RJS 1994,
n° 278.
30. G. Couturier, « L'accès du comité d'entreprise à l'information économique », Dr. soc. 1983,
p. 33.
31. P.  Rodière, « L'adaptation du comité d'entreprise aux structures de l'entreprise »,  Dr.
soc. 1983, p. 363.
32. L'article L. 439-1, II est devenu l'article L. 2331-1, II du Code du travail.
33. En ce sens : B.  Teyssié, Le comité d'entreprise européen, Paris, Economica, 1997, p.  28 ;
D.  Guillouet, La représentation du personnel dans les groupes de sociétés, op.  cit., p.  144. En sens
contraire : M. Cohen, Le droit des comités d'entreprise et des comités de groupe, 9e éd. Paris, LGDJ,
2009 ; D. Boulmier, « Destruction des emplois : une nécessaire responsabilisation des groupes par une
substitution du groupe réel au groupe virtuel », Dr. soc. 1998, p. 44.
34. C. Freyria, « La conception sociale du groupe d'entreprise », in Ecrits en l'honneur de Jean
Savatier, Paris, PUF, 1992, p. 201.
35. Y. Chalaron, « Le comité de groupe », in Les instances fédératives de représentation du personnel, Paris, Litec, 1995, p. 73.

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