Contextes - Histoire des manuels de droit - 106

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Comment intRoDuiRe Au DRoit DAnS LeS mAnueLS ?

et que j'appellerai philosophique, parce qu'il repose sur la vérité, en dehors
de laquelle ne saurait être la vraie philosophie »42.
Ce même besoin d'euphémiser en quelque sorte la portée de l'histoire se retrouve toujours au milieu du XIXe siècle chez un auteur qui, à
l'instar de Belime, est très clairement un partisan de l'histoire. il s'agit du
professeur strasbourgeois Prosper eschbach. Après avoir promu avec force
conviction l'étude de l'histoire du droit, il tient tout de même à souligner
qu'elle est « un puissant auxiliaire de la jurisprudence, mais elle n'est pas la
jurisprudence elle-même, et le jurisconsulte ne doit l'employer que comme
instrument de critique et d'appréciation »43. il ne précise toutefois pas ce
qu'il entend par cette dernière expression et quelle est donc la nature et
l'ampleur de l'usage de l'histoire en tant qu'outil herméneutique.
il y a, on le constate, comme chez son homologue douze ans plus tôt,
une volonté ambivalente de louer l'histoire tout en ne lui accordant pas
le premier rôle ; premier rôle qui échoit soit à la philosophie soit à la
jurisprudence. Ces précautions que semblent devoir prendre ces auteurs
doivent être appréhendées à l'aune du contexte de l'époque qui, en matière
d'interprétation du droit, fait la part belle à l'exégèse. mais alors, lorsqu'un
renouvellement des méthodes est à l'ordre du jour quelques décennies plus
tard, comment les auteurs présentent-ils l'histoire dans cette perspective ?
Citons le cas emblématique d'un juriste qui s'est fait fort de porter le drapeau
de la rénovation méthodologique. il s'agit d'Émile Acollas (1826-1891)
qui publie en 1885 une Introduction au droit dont un chapitre est dédié aux
« notions historiques du droit »44, pour reprendre son intitulé. il y livre un
certain nombre d'observations générales sur la chronologie et les sources
de l'histoire du droit français mais ne confie au lecteur aucune réflexion
sur une potentielle valeur heuristique ou une portée épistémologique de
l'histoire. Surtout, lorsqu'il énumère les conditions de la rénovation de la
science et des études juridiques, on y trouve au premier chef la création
d'une philosophie du droit, mais nulle mention de l'histoire45.
La portée réelle de l'histoire est parfois minorée par des auteurs qui
lui préfèrent la sociologie. À cet égard, il faut lire le propos sans détours
de J. G. Courcelle-Seneuil (1813-1892), professeur parisien d'économie
politique, qui déclare sans ambages dans un manuel d'introduction au
droit que « la science sociale a des visées plus générales et plus hautes que
42. Ibid., p. 255.
43. Introduction à la science..., op. cit. n. 4, p. 426-427.
44. Introduction à l'étude du droit, Paris, A. Chevalier-marescq, 1885, p. 27-64.
45. Pour Acollas, les conditions d'une rénovation sont les suivantes : 1/ la création de
la philosophie du droit, 2/ l'exclusion de la double tradition romaine et coutumière et la
reprise des principes du XViiie siècle et de la révolution française, 3/ la refonte de la codification napoléonienne 4/ l'établissement du jury en matière civile et la reconstruction de
la magistrature 5/ l'abolition du monopole universitaire. Ibid., p. 39.

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