Précis Domat - Droit de l'arbitrage interne et international - 2e - 66

DROIT DE L'ARBITRAGE INTERNE ET INTERNATIONAL

étatiques236 ; voire sur son existence même. En effet, un vent de protestation s'est
récemment levé, contestant la légitimité de la confidentialité de l'arbitrage et vantant
au contraire les vertus de la transparence, particulièrement dans les arbitrages d'investissement impliquant des États237. Cela a conduit à l'adoption de textes favorisant une
plus grande transparence, notamment dans l'arbitrage d'investissement238. Par ailleurs,
dans les faits, une procédure arbitrale ne se révélera pas toujours aussi confidentielle
qu'on l'aurait espéré. Une partie ou son conseil, voire un arbitre, peut faire preuve d'indiscrétion, indiscrétion parfois relayée par la presse. De plus, les recours possibles aux
juridictions étatiques en marge d'une instance arbitrale, notamment à l'encontre de la
sentence rendue, ou l'appel de la décision accordant l'exequatur à la sentence, qui sont
prévus par les textes, donnent lieu à des décisions judiciaires soumises à publicité.
L'ambiguïté du statut de la confidentialité dans l'arbitrage résulte en partie du
silence relatif des textes. Les législations étatiques ne disent généralement rien ou très
peu sur la confidentialité dans l'arbitrage ; il en va de même pour de nombreux règlements d'arbitrage institutionnels. Face à ce relatif silence, certaines juridictions étrangères ont nié l'existence d'un principe général de confidentialité qui serait inhérent à la
stipulation d'une convention d'arbitrage239, alors que d'autres reconnaissaient l'existence d'un tel principe240. Le droit et la jurisprudence français illustrent quant à eux
parfaitement ces incertitudes et hésitations. Les textes, longtemps totalement silencieux
sur le sujet, reconnaissent aujourd'hui, depuis le décret no 2011-48 du 13 janvier 2011,
la confidentialité de l'arbitrage en matière interne241. L'article 1464, alinéa 4, du Code
de procédure civile dispose désormais que « sous réserve des obligations légales et à
moins que les parties n'en disposent autrement, la procédure arbitrale est soumise au
principe de confidentialité ». Ainsi, il s'agit donc dorénavant d'une obligation légale,
mais non impérative puisque les parties peuvent y déroger. Toutefois, le texte reste
silencieux sur les destinataires exacts de l'obligation (parties et arbitres certainement,
mais qu'en est-il des autres participants ?) et le régime de celle-ci (qu'en est-il des sanctions par exemple ?). Il appartiendra à la jurisprudence de définir les contours de cette
obligation. Par ailleurs, cette disposition n'est pas reprise en matière d'arbitrage international, l'article 1506 du Code de procédure civile ne renvoyant pas à l'alinéa 4 de

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236. V. F. FAGES, « La confidentialité de l'arbitrage à l'épreuve de la transparence financière », Rev. arb.
2003, p. 5.
237. Sur le sujet, v. notamment J.-B. RACINE, « Sur l'idéologie de la transparence en droit de l'arbitrage », in Mélanges en l'honneur du professeur Pierre Mayer, LGDJ, 2015, p. 727.
238. V. règlement de la CNUDCI sur la transparence dans l'arbitrage entre investisseurs et États fondé
sur des traités, et le nouvel article 1.4 du règlement d'arbitrage CNUDCI adopté en 2013. Sur le sujet,
v. notamment, G. PETROCHILOS, « Transparency in Commercial Arbitrations Involving States », Cah. arb.
2018, p. 19. L'idée est aussi parfois défendue en matière d'arbitrage commercial : F. BLAVI, « A case in
favour of publicly available awards in International Commercial Arbitration: Transparency
v. Confidentality », RDAI 2016, nº 1, p. 83.
239. Cour suprême de Suède, 27 oct. 2000, AI Trade Finance Inc., Stockholm Arb. Report 2002/2,
p. 144 ; Rev. arb. 2001, p. 821, note S. JARVIN et G. REID ; High Court d'Australie, 7 avr. 1995,
Esso v. Plowman, 128, ALR 391. 1995 ; Rev. arb. 1996, p. 539, note D. KAPELIUK-KLINGER ; v. cependant,
en Australie, les sections 27E à 27I du Commercial Arbitration Act de 2017, applicable aux arbitrages
internes australiens, qui prévoient désormais une confidentialité de principe avec un système d'opt-out
pour les parties ; v. également pour l'arbitrage international, les sections 23C à 23G de l'International
Arbitration Act de 2011 qui reposent cette fois sur un système d'opt-in.
240. En Angleterre : Court of Appeal, Dolling-Baker c/ Merret, 1990, 1 WLR 1205 ; High Court, Hassneh Insurance Co of Israël c/ Mew, 1993, 2 Lloyd's Rep., 243.
241. Sur ce point, v. aussi, infra, no 399 et s.

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