Précis Domat - Droit des personnes - 2e - 108

DROIT DES PERSONNES
leur état civil (prénom et sexe)121
:ce qu'on appelait le syndrome de transsexualisme
devait avoir été médicalement constaté ; l'intéressé(e) devait avoir subi une
opération chirurgicale (que l'on appelle aujourd'hui « réassignation sexuelle ») ; il
ou elle devait avoir adopté, outre l'apparence physique du sexe opposé, le comportement
social de celui-ci.
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Ces conditions appellent trois remarques. Tout d'abord, elles traduisent le fait
que pour les juges - comme pour l'opinion commune ou des disciplines comme la
démographie - il y a bien deux sexes et seulement deux mais que prévaut la théorie
de l'apparence en un double sens : explicitement, les juges se contentaient d'une
« apparence physique » qui est perçue comme pouvant être décalée par rapport à
l'ensemble de la réalité de l'autre sexe (le demandeur en rectification devait avoir
« pris une apparence physique le rapprochant de l'autre sexe ») ; apparence sociale
(ici les juges n'emploient pas le mot « apparence » mais celui de « comportement »)
au sens de la manifestation de l'être social, ensemble de normes de comportement
plus ou moins consciemment et pertinemment rattachées au fait d'être un homme
ou une femme et que l'individu doit s'être appropriées. Ensuite, la vision de la
transidentité véhiculée par cette jurisprudence était marquée par l'empreinte médicale
(« syndrome », « traitement »). Enfin, la portée de la rectification de l'état
civil est limitée au sens où le changement ne vaut que pour l'avenir. Techniquement,
le jugement est constitutif d'un état nouveau, et non déclaratif d'un état préexistant
: la personne trans a donc, d'un point de vue juridique, d'abord été d'un
sexe avant de passer dans le second. Ainsi la décision de rectification n'a-t-elle
aucun effet sur l'état civil des enfants que l'intéressé a eus avant le jugement. Néanmoins,
une fois la rectification opérée, la vie juridique des intéressés (mariage, pension
de retraite, âge du calcul de la retraite...) doit pouvoir se dérouler en fonction
du nouveau sexe, faute de quoi il y aurait discrimination122
.
Malgré cette évolution significative de la jurisprudence, notamment européenne,
les personnes affectées par la transidentité ont continué de rencontrer des
■ 121. Cass. ass. plén., 11 décembre 1992 (deux arrêts), Bull. civ., nº 13 ; JCP G 1993, II, 21991, concl.
M. JÉOL, note G.MÉMETEAU : « Lorsque, à la suite d'un traitement médico-chirurgical, subi dans un but
thérapeutique, une personne présentant le syndrome du transsexualisme ne possède plus tous les caractères
de son sexe d'origine et a pris une apparence physique la rapprochant de l'autre sexe, auquel correspond
son comportement social, le principe du respect dû à la vie privée justifie que son état civil indique désormais
le sexe dont elle a l'apparence. Le principe de l'indisponibilité de l'état des personnes ne fait pas
obstacle à une telle modification ».
■ 122. Pour le mariage, voir CEDH, 11juillet 2002, Goodwin c/Royaume-Uni (à propos du mariage du
transsexuel), requête nº 28957/95 (préc.) ; pour l'octroi d'une pension de réversion au compagnon transsexuel
alors que du fait de la législation britannique de l'époque, les deux personnes du couple ne pouvaient
se marier, voir CJCE, 7janvier 2004, K.B. et National Health Service Pensions Agency, C-117/01 ; AJDA
2004. 315, chron. J.-M. BELORGEY,S. GERVASONI et C. LAMBERT ; D. 2004, p. 979, note P. ICARD ; AJFP
2004, p. 196, obs. D. JEAN-PIERRE ; RTD civ. 2004, p. 266, obs. J. HAUSER ; ibid., p. 373, obs. J. RAYNARD ;
voir aussi CJCE, 1er
avril 2008, Maruko, C-267/06 ; AJDA 2008 p. 871, chron. E. BROUSSY,F. DONNAT et
C. LAMBERT ; D. 2008, p. 1873, note C.WEISSE-MARCHAL ; ibid., p. 1786, obs. J.-J. LEMOULAND et
D. VIGNEAU ; ibid., p. 3038, obs. F. MULLER et M. SCHMITT ; AJ fam. 2008, p. 215, obs. F. C. ; RDT 2008,
p. 458, obs. M. SCHMITT ; RTD civ. 2008, p. 458, obs. J. HAUSER ; sur le calcul de l'âge de la retraite,
CJCE, 27 avril 2006, aff. C-423/04, Sarah Margaret Richards c/Secretary ofState for Work and Pensions,
D. 2006, p. 1628, note A. BUGADA ; Adde : CEDH, 23 mai 2006, nº 32570/03, Grant c/Royaume-Uni, RTD
civ. 2006. 725, obs. J.-P. MARGUÉNAUD.
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