Précis Domat - Droit des personnes - 2e - 151

L'ÉPANOUISSEMENT DES PERSONNES CORPORELLES (DROITS DE LA PERSONNALITÉ)
préjudice moral ou patrimonial17
.
, souverainement apprécié par les juges du fond
selon divers critères dont la mise en œuvre n'est pas dépourvue d'un « aléa non
négligeable »18
La protection de la vie privée sous cette forme très générale (« chacun a droit
à », formule qui reflète davantage l'ampleur d'un droit subjectif qu'un strict droit
défensif), sans être absolue puisqu'elle peut entrer en conflit avec d'autres droits, a
donc quelque chose de mécanique, à l'image d'un rideau qu'à un moment donné
l'individu décide de faire tomber entre lui et l'extérieur. Et pour rendre cette protection
effective, le juge peut « sans préjudice de la réparation du dommage subi,
prescrire toutes mesures, telles que séquestre, saisie et autres, propres à empêcher
ou faire cesser une atteinte à l'intimité de la vie privée ; ces mesures peuvent, s'il y
a urgence, être ordonnées en référé » (C. civ., art. 9 al. 2). Risquant de menacer la
liberté d'expression, elles sont mises en œuvre par les juges, « traditionnellement
épris d'un certain sens de la mesure, quintessence de la justice, qui fait percevoir
l'inutilité de prendre un marteau pour écraser une mouche »19
, selon un critère, plus
ou moins explicite, de proportionnalité et de praticabilité : parmi toutes les mesures
possibles, ils choisiront la plus appropriée à la cessation du trouble, la plus ciblée,
et ils auront notamment égard à l'écoulement du temps entre l'atteinte et la
mesure20
. Parmi les mesures fréquemment demandées et ordonnées, la publication
d'un communiqué de presse judiciaire figure en bonne place.
En l'absence d'une définition légale et à partir d'une floraison de travaux doctrinaux,
le droit à la vie privée a fait l'objet d'une intense élaboration prétorienne,
nationale comme européenne. Que recouvre donc ce droit à la vie privée (A), dont
un rameau se révèle particulièrement vivace, le droit à l'image (B) ?
A. LA VIE PRIVÉE, UNE EXPANSION MATÉRIELLE SANS
LIMITES ?
132
La sphère de la vie privée telle qu'elle se dégage d'une jurisprudence extrême;
la protection de
ment touffue se définit surtout par des assertions négatives qui en soulignent l'ampleur
: la notoriété d'unepersonnenela prive pas desa vie privée21
■ 17. S'agissant de la réparation du préjudice patrimonial, elle concerne plutôt l'atteinte au droit à l'image
et elle relève davantage du versant patrimonial de celui-ci (voir infra nº 144).
■ 18. Selon l'expression d'A. Lepage, à propos de la réparation du dommage moral, et plus particulièrement
encore de la provision allouée en matière de référé : A. LEPAGE, « Droit de la personnalité », Rép. civ.
Dalloz 2022, nº 283. Les critères majoritairement utilisés pour apprécier le préjudice moral en matière de
vie privée lato sensu sont les modalités de l'atteinte (une forme de harcèlement par exemple), le style de
l'article, l'ampleur de la diffusion, mais aussi le comportement de l'intéressé qui peut venir minimiser le
dommage (id., nº 276 et s.).
■ 19. Voir A. LEPAGE, « Droits de la personnalité », Rép. civ. Dalloz 2022, nº 264.
■ 20. Voir Cour européenne des droits de l'homme (deuxième section), Affaire Plon (Société) c. France,
18 mai 2004, requête nº 56148/00. Sur la proportionnalité de la mesure choisie, voir A. LEPAGE, « Droits de
la personnalité », Rép. civ. Dalloz 2022, nº 276.
■ 21. Voir Cass. 1re
civ, 27 février 2007, nº 06-10393 : « toute personne, quels que soient son rang, sa
naissance, sa fortune, ses fonctions présentes ou à venir, a droit au respect de sa vie privée ». Idem pour
l'image : le président de la République en fonction « a sur son image, quels que soient son statut et sa
notoriété, un droit exclusif et absolu » (TGI Paris, 5 février 2008, Légipresse 2008, III, p. 66).
Deuxième partie : Personnes corporelles
151
Précis Domat - Droit des personnes - 2e

Table des matières de la publication Précis Domat - Droit des personnes - 2e
