Précis Domat - Droit des personnes - 2e - 308

DROIT DES PERSONNES
permettant aux personnes qui le souhaitent d'exploiter la valeur économique, si elle
existe, des attributs de leur personnalité23
.
Dans cette mouvance, certains appellent de leurs vœux une catégorie nouvelle,
celle des « droits de la notoriété »24
.
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De ce débat, nous pouvons tirer deux enseignements.
L'un est relatif aux sources : si consécration d'un droit patrimonial à l'image il
devait y avoir, il faudrait que ce soit par le vecteur de la loi et ce serait alors faire
d'une pierre deux coups puisque le droit à l'image lui-même n'est pas en tant que
tel reconnu par la loi. Mais alors plusieurs pistes s'ouvriraient : remplacer l'article 9
par un article plus général sur les droits de la personnalité, détacher le droit à
l'image du droit à la vie privée en créant un texte spécial pour le droit patrimonial
àl'image (mais qui alors n'aurait sans doute pas vocation à figurer dans le livre sur
les personnes), modifier le Code de la propriété intellectuelle, etc.
Ensuite, plus fondamentalement, derrière les deux thèses opposées, l'on trouve
cette même idée que l'exploitation de l'image par les tiers, y compris quand elle est
autorisée, peut être menaçante pour les personnes. Autrement dit, dans les deux cas,
on veut protéger la personne contre les abus des tiers mais on n'emploie pas les
mêmes moyens. Les opposants à un droit patrimonial sur l'image veulent protéger
la personne en amont en s'employant à préserver son intégrité, c'est-à-dire en refusant
de la scinder juridiquement en une entité extrapatrimoniale et une entité patrimoniale
; les partisans de la consécration d'un tel droit assument cette fissuration et
préservent la personne en aval en lui donnant un contrôle sur l'exploitation de ses
utilités. Selon eux, « on ne peut traiter dans l'indifférencié l'atteinte portée au droit
àl'image par sa diffusion non consentie - méconnaissant le droit de la personne
d'être laissée tranquille - et celle résultant d'une exploitation préjudiciable de sa
valeur commerciale - au détriment du droit de l'intéressé d'en contrôler les utilisations
marchandes »25
.
La seconde option nous paraît aller dans le sens de l'évolution de la notion juri!
dique
de personne que Josserand, dès les années 1930, avait pressentie : cela fait un
bail que la personne purement extrapatrimoniale est tombée de son piédestal26
Mais ne nous voilons pas la face : la personne qu'il s'agit de protéger ici est le
plus souvent célèbre et a voulu, en partie en tout cas, cette exploitation ; ce qu'elle
demande, c'est précisément la protection de ses intérêts purement patrimoniaux. Or
■ 23. G. LOISEAU, « Des droits patrimoniaux de la personnalité en droit français », McGill Law Journal
1997, p. 319 et s. ; Le nom objet d'un contrat, 1997, LGDJ, nº 426 et s., au sujet du droit patrimonial à
l'image ; « La contractualisation des droits de la personnalité », note sous Cass. 1re
civ., 4 novembre 2011,
JCP G 2012, 71.
Adde :A. THUEGAZ, « Le droit français à et sur l'image : comparaison avec le droit anglais », thèse soutenue
le 17 décembre 2012 à l'Université Paris 1 ; E. MÉCHIN, « Le droit patrimonial à la vie privée », thèse soutenue
le 26 novembre 2014 à l'Université Jean Moulin Lyon 3.
■ 24. J.-M. BRUGUIÈRE,« " Droits patrimoniaux " de la personnalité. Plaidoyer en faveur de leur intégration
dans une catégorie des droits de la notoriété », RTDciv. 2016, p. 1 et s. : « Tout irait dans le meilleur des
mondes des droits de la personnalité si l'on ignorait (attitude toujours possible mais selon nous profondément
malsaine) le fort mouvement de patrimonialisation que la pratique développe en ce domaine et que le
législateur, le juge et la doctrine reçoivent encore aujourd'hui de manière imparfaite » (p. 3-4).
■ 25. G. LOISEAU, La crise existentielle, art. préc. p. 450.
■ 26. L. JOSSERAND, « La personne humaine dans le commerce juridique », D. 32, p. 1.
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