Précis Domat - Droit des personnes - 2e - 84

DROIT DES PERSONNES
la vie de la famille, concrètement non troublée de façon disproportionnée, et le droit
à la vie privée des enfants qui, lui, est atteint ; sa portée est néanmoins remarquable
en ce qu'il fait de la filiation un élément de l'identité.
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L'arrêt rendu par la Cour européenne des droits de l'homme le 26juin 2014 a
eu une portée considérable en droit français, et l'on peut dire qu'en une dizaine
d'années, le principe d'indisponibilité de l'état des personnes a été éclipsé. C'est
pour mettre en exergue cette conclusion que sera rappelée brièvement l'évolution
considérable du droit prétorien en la matière, fruit d'un dialogue entre la Cour de
cassation et les juges de Strasbourg - d'autres parleront des « multiples assauts »
portés à la « fermeté de la jurisprudence française27
» -, favorisé par deux procédures
nouvelles, la demande de réexamen en matière d'état des personnes ainsi que la
demande pour avis28
. Cette rapide chronologie ne permettra pas d'entrer dans les
détails d'une matière qui, désormais et du fait même de cette évolution, est, à tort
ou à raison, appréhendée en droit français sous le prisme des règles relatives à la
filiation29
.
Le premier revirement de la Cour de cassation est fondé sur la notion de « réalité
» des faits déclarés que traduit un acte d'état civil établi à l'étranger. Au visa de
l'article 47 du Code civil, de l'article 7 du décret du 3 août 1962 modifiant certaines
règles relatives à l'état civil, ainsi que de l'article 8 de la Convention de sauvegarde
des droits de l'homme, l'assemblée plénière de la Cour de cassation considère que
«l'acte de naissance concernant un Français, dressé en pays étranger et rédigé dans
les formes usitées dans ce pays, est transcrit sur les registres de l'état civil sauf si
d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de
l'acte lui-même établissent, le cas échéant, après toutes vérifications utiles, que cet
acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à
la réalité ». Dans les deux affaires jugées, les actes de naissance des enfants établis
en Russie et mentionnant le père biologique et la femme ayant accouché de l'enfant
devaient être considérés comme conformes à la réalité, au sens de l'article 47 du
Code civil30
.
Malgré ce revirement, la France est de nouveau condamnée par les arrêts Foulon
et Bouvet du 21 juillet 201631
édition, 2023, p. 235, nº 459.
. Le 5 juillet 2017, la Cour de cassation rendit six
arrêts dans lesquels elle continue à manifester sa réticence quant à l'établissement
■ 27. J.-R. BINET, Droit de la bioéthique, LGDJ, 2e
■ 28. Depuis la loi Taubira du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice, le réexamen d'une décision
civile définitive relative à l'état des personnes peut intervenir après une condamnation de la France par
la Cour européenne des droits de l'homme, dès lors que la violation constatée, « par sa nature et sa gravité
», entraîne, pour la personne, des conséquences dommageables que la satisfaction équitable octroyée
par la Cour européenne ne peut effacer (COJ, art. L. 452-1). Quant au protocole 16 de la Convention européenne
des droits de l'homme entré en vigueur le 1er
août 2018, il permet aux cours supérieures nationales
de saisir la Cour de demandes d'avis consultatif sur des questions de principe relatives à l'interprétation ou
àl'application des droits et libertés définis par la Convention ou ses protocoles.
■ 29. A. CHAIGNEAU, « Pour un droit du lien. Le débat sur la gestation pour autrui comme catalyseur d'un
droit de la filiation renouvelé », RTD Civ. 2016, p. 263 et s. ; A. MARAIS, La procréation pour tous, Dalloz,
Thèmes et commentaires, 2015 ; M. PICHARD, « Gestation pour autrui : le principe d'indisponibilité de l'état
des personnes désactivé ? », LPA 2017, nº 256-257, p. 6 et s.
■ 30. Cass. ass. plén., 3 juill. 2015, nº 14-21323 et et nº 15-50002.
■ 31. CEDH, 21 juill. 2016, nº 9063/14 et nº 10410/14.
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