Cours - Droit de l'Union européenne - 3e - 52

DROIT DE L'UNION EUROPÉENNE

d'adhésion. Les défis soulevés par cette force d'attraction ont été considérables tant
en ce qui concerne la question des frontières de l'Europe que celle de l'adaptation de
son système institutionnel. Il n'en demeure pas moins que les désillusions contemporaines qui se sont manifestées à l'endroit de l'avenir de l'Union ont jeté le doute sur
la poursuite de ce processus. Plus gravement, le développement de l'euroscepticisme
exacerbé par la survenance du « Brexit » pourrait ouvrir la voie à un mouvement de
différenciation, voire de désintégration.
Non seulement cet élargissement continu pose la question des frontières de l'Europe
et de l'adaptation de son système institutionnel, mais il soulève aussi d'autres
problèmes majeurs tels que celui de la cohésion économique et politique de l'entreprise ou bien encore celui de l'irréversibilité de l'appartenance à l'Union européenne.
56 Comme on le verra, les six États signataires du traité de Rome du 25 mars 1957 établissant la Communauté économique européenne (CEE) n'entendaient pas constituer un club
fermé. Les membres fondateurs (Allemagne, France, Italie, Belgique, Luxembourg et
Pays-Bas) ne souhaitaient nullement former une « petite Europe », comme on a pu dédaigneusement le leur reprocher initialement. Le Préambule du traité de Rome en atteste clairement qui proclame que les Six sont au contraire résolus à appeler « les autres peuples de
l'Europe qui partagent leur idéal à s'associer à leur effort ». Avec plus de cinquante années de
recul, on peut considérer que leur ambition s'est sans doute réalisée au-delà de leurs espérances. La réussite économique et commerciale du noyau fondateur a été telle que la
volonté de le rejoindre s'est manifestée dans l'Europe entière (et même au-delà si l'on
songe à la candidature marocaine de 1987).
Si le premier élargissement s'est fait attendre pendant une quinzaine d'années, cet atermoiement est essentiellement dû à l'hostilité du général de Gaulle envers la candidature
britannique. Par la suite, et à la faveur de l'écroulement des dictatures qui sévissaient tant
en Grèce qu'en Espagne et au Portugal, le deuxième élargissement et surtout le troisième
qui s'effectuent cette fois vers le « Sud » ont fait l'objet de longues négociations en raison
des délicats dossiers relatifs à la politique agricole commune et à la pêche. Le quatrième
élargissement réalisé cette fois en direction du « Nord » n'a pas soulevé de difficultés
particulières dès lors que les pays candidats, déjà membres de l'Association européenne
de libre-échange (AELE), se trouvaient dans une situation économique et commerciale
comparable à celle des États membres de ce qui était entre-temps devenu la Communauté européenne.
Reste le cinquième élargissement de 2004, bientôt suivi en 2007 par l'arrivée de la Bulgarie
et de la Roumanie et par celle de la Croatie en 2013 qui, ne serait-ce que par son ampleur
inégalée, place la construction européenne à un carrefour de son évolution au moment où
se manifestent d'autres candidatures (voir tableau). Pour répondre à ce défi, l'Union européenne a affiné les critères d'admission, imaginé une phase de pré-adhésion en faveur des
pays candidats, promis des concours financiers, notamment sous la forme d'un instrument
d'aide de pré-adhésion, procédé à des ajustements institutionnels allant jusqu'à la rédaction d'un traité constitutionnel... Il n'en demeure pas moins que des risques sérieux se font
jour qui tiennent notamment à la possible remise en cause de l'intégration et de l'acquis
communautaire (et partant à la transformation de l'Union européenne en une vaste zone
de libre-échange), ou bien encore à la constitution d'une Europe à plusieurs vitesses.

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