Bibliothèque de droit de l'environnement et de l'urbanisme - L'office du juge des référés en droit de l'urbanisme - 332

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L'OFFICE DU JUGE DES RÉFÉRÉS EN DROIT DE L'URBANISME

778. Or, une ordonnance de référé qui rejette un recours en référé dirigé
contre une autorisation d'urbanisme et qui se voit infirmée par le juge du fond
peut avoir des incidences malencontreuses tant pour le bénéficiaire de l'autorisation que pour l'auteur de la décision. En effet, dans l'hypothèse où le juge des
référés rejette le recours en suspension dirigé à l'encontre d'une autorisation
d'utilisation des sols en raison de l'absence de moyens de nature à créer un doute
sérieux, l'autorité administrative comme son bénéficiaire peuvent s'imaginer que
celle-ci est légale ou du moins qu'elle n'est entachée d'aucune illégalité manifeste
et que, si elles existent, elles doivent être minimes et donc régularisables. Cette
position se comprend d'autant mieux si un deuxième recours en suspension est à
nouveau dirigé contre cette même autorisation avec de nouveaux moyens de légalité et que, là encore, le juge des référés rejette le recours pour défaut de doute
sérieux sur la légalité de cette autorisation. Dès lors, on peut comprendre que
l'auteur de la décision, ainsi que son bénéficiaire soient circonspects que, plusieurs années après, le juge du fond annule l'autorisation d'urbanisme et que les
illégalités qui l'entachent ne soient pas régularisables.
779. Ces faits, qui se sont produits devant le tribunal administratif de Marseille
dans l'affaire « Association de protection du lac de Sainte-Croix et commune de
Moustiers-Sainte-Marie »241, entraînent plusieurs conséquences. En effet, le bénéficiaire de l'autorisation d'urbanisme pensant que celle-ci n'était entachée d'aucun vice,
a pu estimer qu'il pouvait engager les travaux de construction. Or, le temps que le juge
du fond se prononce, la construction a généralement eu le temps de s'achever. Il en
résulte que, d'une part le bénéficiaire de l'autorisation d'urbanisme se retrouve avec
une construction illégale, ce qui aura des incidences sur d'éventuels travaux nécessitant une autorisation d'urbanisme242, ainsi qu'une moins value en cas de revente du
bien243. D'autre part, la commune engage sa responsabilité tant à l'égard du bénéficiaire de l'autorisation illégale, que du requérant qui a subi les désagréments d'une
construction irrégulière. Elle devra alors réparer les préjudices subis244. Si la réparation du préjudice moral que cause une construction irrégulière n'aura qu'un impact
limité sur les finances de la commune, il en va autrement du préjudice financier quand
ont été investies des sommes importantes pour la réalisation de la construction245.
780. La fonction préventive de la saisine du juge des référés s'en trouve
limitée, voire même peut induire en erreur tant l'autorité administrative, que le
bénéficiaire de l'autorisation d'urbanisme. Si le juge des référés peut, dans certains cas, s'avérer être un facteur de sécurité juridique, il n'en demeure pas
moins que son ordonnance ne juge pas le litige au fond et sa position ne lie pas
celle du juge du fond. Celle-ci la lie d'autant moins qu'il ressort de la pratique
que le magistrat qui a statué sur le référé se déporte généralement au nom du
principe d'impartialité en cas de partage des voix.
241. TA Marseille, 9 avril 2009, Association de protection du lac de Sainte-Croix, req. no 0602471.
242. CE 9 juillet 1986, Mme Thalamy, req. no 51172.
243. Voir l'introduction sur les conséquences de la jurisprudence « Thalamy » quant à la possibilité de réaliser des travaux sur une construction jugée illégale.
244. En effet, toute illégalité est constitutive d'une faute en vertu d'une jurisprudence constante
du Conseil d'État lorsque cette illégalité est de fond. Le préjudice est évident : moral et financier tant
pour le tiers voisin de la construction que pour le pétitionnaire. Enfin le lien de causalité entre l'illégalité constitutive d'une faute et le préjudice ne soulève pas de difficultés. Voir, par exemple : TA Marseille 9 avril 2009, Association de protection du lac de Sainte-Croix, req. no 0602471.
245. On pense notamment lorsque sont réalisés, ou étaient en cours de réalisation des projets
d'envergure tels que des hôtels ou des programmes de logements collectifs.

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