Bibliothèque de droit de l'environnement et de l'urbanisme - L'office du juge des référés en droit de l'urbanisme - 40

L'OFFICE DU JUGE DES RÉFÉRÉS EN DROIT DE L'URBANISME

de l'urgence »149 afin que soit plus souvent prononcée la suspension des décisions
administratives150. Ainsi, le législateur, par leur redéfinition, a entendu sensiblement assouplir les conditions de fond nécessaires à l'obtention de la mesure de
suspension d'une décision administrative par rapport à celles imposées pour l'octroi d'un sursis à exécution151.
48. Cet assouplissement paraissait cependant insuffisant pour rendre les procédures de référé réellement efficaces. Encore fallait-il entièrement revoir la procédure devant le juge de l'urgence pour la distinguer radicalement d'une procédure
au fond. Il était en effet reproché à la procédure du sursis à exécution de manquer
de spécificité par rapport au droit commun et de ne pas faire assez de place, par
exemple, à l'oralité des débats152. Il ressort du rapport Colcombet que les aménagements procéduraux prévus par la réforme résultent « d'un arbitrage entre la
nécessité de maintenir les garanties apportées aux justiciables et le souci de donner au juge des référés les moyens de statuer vite »153. Il en ressort que la procédure devient essentiellement orale, qu'elle se déroule en l'absence de conclusions
du commissaire du Gouvernement et que les décisions de référés seront en principe insusceptibles d'appel, seule la cassation restant encore ouverte. En outre, la
possibilité pour le juge de modifier à tout moment les mesures qu'il avait initialement ordonnées, ainsi que celle de renvoyer une affaire à la formation collégiale,
paraissent décisives pour susciter une nouvelle pratique chez le juge administratif
des référés, en limitant sa crainte d'être déjugé par le juge du fond.
49. En plus d'avoir assoupli les conditions d'octroi des mesures de suspension dans le cadre de la procédure du référé-suspension, la loi du 30 juin 2000 a
également procédé à la création d'une procédure d'urgence particulièrement
innovante : le référé-liberté, également appelé référé-injonction. Cette procédure
donne au juge administratif de l'urgence des pouvoirs exorbitants puisqu'il peut
prendre « toutes mesures nécessaires » dès lors qu'une personne morale de droit
public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public
porte atteinte de manière grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale154. Le juge administratif a, en outre, l'obligation de se prononcer dans un
délai extrêmement bref de quarante-huit heures. Bien que cette procédure soit
particulièrement séduisante pour le requérant souhaitant contester une décision
d'urbanisme, celle-ci ne fera l'objet que de développements relativement succins
dans la présente étude. Pour les raisons qui seront évoquées ultérieurement, le
référé-liberté s'avère être en effet d'une utilité limitée en matière d'urbanisme.
D'ailleurs, pour s'en convaincre, il suffit de se reporter au nombre de recours
traités, en cette matière et dans le cadre de cette procédure, par les tribunaux
149. Idem.
150. Voir en ce sens le rapport du groupe de travail du Conseil d'État sur les procédures d'urgence (RFDA, 2000, p. 947).
151. COLCOMBET (F), Rapport fait au nom de la commission des lois de Assemblée nationale,
no 2002, 8 décembre 1999, p. 36.
152. Idem, p. 46.
153. Ibid.
154. L'article L. 521-2 du Code de justice administrative tel qu'issu de la loi du 30 juin 2000 est
ainsi rédigé : « Saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner
toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale
de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public aurait porté,
dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. Le juge des référés se
prononce dans un délai de quarante-huit heures ».

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