Bibliothèque de droit de l'environnement et de l'urbanisme - L'office du juge des référés en droit de l'urbanisme - 98

L'OFFICE DU JUGE DES RÉFÉRÉS EN DROIT DE L'URBANISME

juge des référés n'est pas le même lorsqu'il rejette par une ordonnance de « tri »
pour défaut d'urgence ou pour l'un des autres motifs mentionnés à l'article
L. 522-3 du Code de justice administrative173.
183. Pour cet auteur l'article, L. 522-3 n'exige pas que la requête soit manifestement dépourvue de tout caractère d'urgence pour pouvoir être rejetée sur le fondement de la procédure de tri. Cela « oblige le juge des référés à effectuer un examen relativement approfondi de l'urgence à prononcer la mesure demandée ».
À l'inverse, les autres motifs de rejet d'une demande par une ordonnance de « tri »
seraient moins exigeants et tendraient à faciliter l'utilisation de cette procédure174.
Cependant, les conclusions tirées par cet auteur n'apparaissent pas être exactes. En
effet, le contrôle de l'erreur manifeste est un contrôle restreint : la marge d'appréciation du juge est fortement limitée175. Or, lorsque le juge des référés examine la
condition de l'urgence au sens des dispositions de l'article L. 522-3, il se place sur
le terrain d'un contrôle normal. Dès lors, il retrouve son pouvoir d'appréciation
habituel et cela à la différence des autres motifs de recours à cette procédure pour
lesquels il exerce un contrôle restreint. En effet tant l'irrecevabilité, que l'incompétence ou le caractère mal fondé de la requête doivent être manifestes. Les dispositions de l'article L. 522-3 vont donc dans le sens d'une plus grande acceptation des
cas de rejet par une ordonnance de « tri » pour défaut d'urgence. Cette dichotomie
dans l'appréciation de ces motifs de rejet apparaît d'ailleurs curieuse puisque,
s'agissant des autres motifs de rejet pour l'une des conditions de fond, le juge
exerce un contrôle restreint, notamment s'agissant de celle du doute sérieux176 ou
de celle de l'atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale177.
184. La condition d'urgence peut être délicate à apprécier et elle varie en
fonction des affaires : laisser un tel pouvoir d'appréciation au juge des référés,
alors que cette condition devrait être appréciée à l'issue d'un débat contradictoire,
apparaît comme peu garante des intérêts des justiciables en particulier ceux des
demandeurs de la mesure de référé. Il aurait apparu plus souhaitable que le juge
des référés puisse rejeter une requête par la voie de l'ordonnance de « tri » uniquement dans les hypothèses où le défaut d'urgence serait manifeste à l'instar des
autres motifs énoncés dans l'article L. 522-3. Ce pouvoir d'appréciation de la
condition d'urgence porte une atteinte disproportionnée au principe du contradictoire, principe qui irrigue pourtant l'ensemble des procédures de référé et qui
tend de plus en plus à encadrer la procédure des ordonnances de « tri »178.
185. Il arrive que dans son appréciation globale de l'urgence, le juge des référés se fonde sur des intérêts généraux pouvant se déduire de la décision ou du
comportement litigieux du requérant et non des seuls arguments invoqués en
défense. Cela a amené le Conseil d'État à considérer que le juge des référés peut
rejeter une demande de suspension par une ordonnance de « tri » au motif que
173. CASSIA (P.), Les référés administratifs d'urgence, LGDJ, collection système droit, 2003,
Paris, p. 61.
174. Idem.
175. Tel est le cas, comme cela a été vu précédement, s'agissant de la recevabilité et du caractère
mal fondé de la demande de référé, ou de l'absence de compétence de la juridiction administrative.
176. CE réf. 21 mai 2002, Rousseau, req. no 247008.
177. TA Nice réf., 27 mars 2002, Syndicat des copropriétaires du 54 bd Jean Jaurès, no 02-1358 :
pas d'atteinte manifestement illégale ; TA Marseille réf.., 20 mars 2002, Orosco, no 02-1369/0 (absence
d'atteinte grave).
178. Voir le § 2 de la présente section.

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