Anthologie du droit - Méthode d'interprétation et sources en droit privé positif - Tome 1 - 279

LES SOURCES FORMELLES DU DROIT PRIVÉ POSITIF ET LEUR INTERPRÉTATION

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IV. EFFETS ET PORTÉE DU DROIT COUTUMIER
À L'HEURE ACTUELLE
124. La coutume une fois reconnue comme source juridique formelle, et
caractérisée dans tous ses éléments d'existence, il s'agit d'en déterminer les effets
et la portée.
Cette question se présente très différente de celle, que nous proposait, sous le
rapport méthodologique, l'étude de la loi écrite. Celle-ci étant une volonté
consciente, nettement traduite en une formule, il s'agissait, avant tout et essentiellement, d'interpréter cette formule, c'est-à-dire, d'en dégager ce que ces auteurs y
ont voulu mettre, et de la restreindre à cet office. Tout au rebours, la coutume
juridique n'offre, en général, du moins, aucune difficulté sérieuse d'interprétation
proprement dite474. C'est qu'elle n'est pas tant une volonté qu'une puissance
inconsciente475, qui se traduit tout entière, et, en quelque sorte, s'incorpore, dans
l'usage d'où elle est issue. Reconnaître cet usage, en vérifiant seulement son caractère juridique (ci-dessus, n° 119), c'est constater l'application même de la coutume, par conséquent, en saisir tout le contenu, sans avoir besoin de l'expédient,
toujours incertain, du diagnostic d'une volonté subjective476.
Mais, si elle échappe à cette difficulté, la mise en œuvre de la coutume, comme
source de droit positif, en suscite une autre, que ne connaissait pas la loi écrite.
L'origine et la nature de celle-ci écartent toute hésitation sur la plénitude de sa force
obligatoire, qui est absolue. Il n'en pas va de même, pour le droit coutumier, dont
la puissance est loin de s'imposer avec la même énergie, du moins quand on envisage son action, au regard du droit écrit, et en conflit possible avec ce dernier.
Avant d'entrer plus avant dans ce problème, tel qu'il se pose pour notre droit
français moderne, il importe de rappeler, que nos lois de codification privée l'ont
notablement simplifié, en même temps qu'elles en précisaient les termes. En effet,
quant aux coutumes anciennes, c'est-à-dire antérieures aux Codes, il y a lieu de se
demander, d'abord, si, en tant que coutumes anciennes se référant à des matières
comprises dans la codification, celle-ci ne leur a pas enlevé toute autorité impérative. - Que les auteurs des Codes l'aient pu faire, par voie de table rase, dans le
domaine qu'ils se proposaient de régler législativement, et même sur les points
particuliers de ce domaine qu'ils n'auraient pas prévus, c'est ce qui ne me paraît
pas plus douteux, relativement aux coutumes, que relativement aux lois antérieures (voy. ci-dessus, nos 90, initio et 94). - Savoir, si cela a été fait effectivement, n'est plus qu'une question d'interprétation des lois, qui ont consommé la
codification : pour le droit civil, l'art. 7 de la loi du 30 ventôse an XII ; pour les
474. Comp. Savigny, Traité de droit romain, trad. Guenoux, t I, 1840, p. 202. - Je parle, bien
entendu, de la coutume, ayant conservé son caractère propre, non de celle qui, rédigée et promulguée,
serait, en réalité, passée à l'état de loi écrite. Voy. ci-dessus, p. 241, note 2 (n° 92), p. 304, note 1 (n° 110).
475. Voy. F. Regelsberger, Pandekten, § 17, I, in fine, t. I, 1893, p. 84 : « Recht ist Macht, aber
nicht jede Macht ist Wille, z. B. nicht die Macht der Gewohnheit. » - Cpr. ibid. § 17, II, B, 2, texte et
note 6, p. 86.
476. F. Regelsberger, Pandekten, § 35, IV, t. I, 1893, p. 141. - Comp. Windscheid, Lehrbuch
des Pandektenrechts, § 20, texte et note 1, t. I7, 1891, p. 50. [-J. Kohler, Lehrbuch des bürgerlichen
Rechts, t. I, Berlin, C Heymann, 1904, § 41, Auslegung des Gewohnheitsrechts, p. 134. - L. Brütt, Die
Kunst der Rechtsanwendung, Berlin, Guttentag, 1907, p. 68-69 (§ 4). - H. Capitant, Introduction à
l'étude du droit civil, Paris, A. Pedone, 1912, p. 74, note 1. - Adde, du point de vue de la nouvelle
législation civile de la Suisse : M. Gmür, Die Anwendung des Rechts nach Art. 1 des schweizerischen
Zivilgesetzbuches, Bern, Stämpfli et Cie, 1908, § 5, V, 3, p. 99-100.]
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