Anthologie du droit - Méthode d'interprétation et sources en droit privé positif - Tome 1 - 291

LES SOURCES FORMELLES DU DROIT PRIVÉ POSITIF ET LEUR INTERPRÉTATION

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abrogées par d'autres lois, ou qu'elles ne sont point tombées en désuétude. Si nous
n'avons pas formellement autorisé le mode d'abrogation par la désuétude ou le
non-usage, c'est qu'il eût été peut-être dangereux de le faire. Mais peut-on se dissimuler l'influence et futilité de ce concert indélibéré, de cette puissance invisible, par
laquelle, sans secousse et sans commotion, les peuples se font justice des mauvaises
lois, et qui semblent protéger la société contre les surprises faites au législateur et le
législateur contre lui-même ? »556 Aussi, les corps judiciaires, consultés sur le projet,
ne s'y étaient-ils pas trompés. Et, parmi ceux qui ne repoussaient pas la coutume,
en principe, quelques-uns demandaient pourtant que sou autorité fût écartée à
l'encontre d'une loi formelle557. - La disparition, presque entière, du Livre préliminaire du projet et la suppression voulue de celles de ses dispositions558, concernant les sources ou leur interprétation, ne permettent assurément pas de saisir,
dans sa pleine clarté, la pensée dernière des législateurs sur la question. On peut
affirmer, du moins, que rien, dans les discussions subséquentes, ne vint contredire,
sur ce point, la volonté des auteurs du projet. Tout au contraire, l'élaboration législative, de l'article 4 actuel du Code civil, laisserait-elle plutôt supposer le maintien
et le triomphe des idées, qui avaient inspiré la commission de rédaction559. Et,
d'autre part, il suffit de lire la discussion, à certains égards si suggestive, de la loi
du 30 ventôse an XII, réalisant la codification civile560, pour être convaincu, que les
dispositions de cette loi doivent rester absolument indifférentes, dans la question
de la force législative des usages, se formant ou se maintenant, comme coutume
juridique, à la suite du Code et en contradiction à ses dispositions.
Vais-je conclure de là, que, bien loin de réprouver les usages hostiles à leur
texte, nos lois françaises reconnaîtraient, au contraire, la force de la désuétude ou
celle de la coutume tendant à modifier la loi ? Pareille conclusion, affirmant une
volonté législative en dehors de tout texte, serait en opposition trop directe avec
les principes, que j'ai professés plus haut (nos 101-104), relativement à l'interprétation de nos lois. Je ne songe aucunement à la proposer. Bien plus simplement, je
considère, à la suite de l'élaboration législative que je viens de résumer, qu'en
définitive, la question, qui nous préoccupe, n'a fait, en France, l'objet d'aucune
décision législative imposant une direction à l'interprète. D'où il suit, que, sans
préjugé aucun, nous devons ici la résoudre sur le terrain et par les moyens d'une
recherche scientifique absolument libre561.
129. Après ces préliminaires un peu longs, - nécessaires pourtant, je le
crois, pour bien dégager toutes les avenues de notre problème, - il est temps de
revenir à celui-ci, qui apparaît maintenant, - du moins je l'espère, - dans tout
son jour. Je puis le poser dans les termes suivants : Étant donné une coutume,
556. Discours préliminaire, sur le Projet de la Commission. Fenet, t. I, p. 479.
557. Ainsi, le Tribunal de cassation (Fenet, t. II, p. 415) et le Tribunal d'appel d'Ajaccio (Fenet,
t. III, p. 118). - Sur l'opinion des autres Tribunaux d'appel, voy. ci-dessus, p. 331, texte et note 4. -
Au surplus, sur toute la question des textes législatifs français, relatifs à la coutume, voy. ci-dessus,
n° 112.
558. Voy. ci-dessus, p. 332, texte et note 1 (n° 112).
559. Voy. ci-dessus, nos 47-48, avec les références.
560. Fenet, t. I, Précis historique, p. LXXX-CXVIII. - Adde : ci-dessus, n° 49.
561. Indépendamment des différentes législations allemandes, signalées ci-dessus (n° 126,
p. 396-397), d'autres lois européennes excluent formellement la désuétude : Loi néerlandaise du
15 mai 1829, contenant les dispositions générales de la législation du Royaume, art. 3-4. - Code
civil portugais de 1867, art. 9. - Code civil espagnol de 1889, art. 5. - Cpr. Dispositions générales
du Code civil italien de 1865, art. 5.
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