Anthologie du droit - Méthode d'interprétation et sources en droit privé positif - Tome 1 - 87

EXAGÉRATION DE L'ÉLÉMENT LÉGAL DANS LA MÉTHODE JURIDIQUE TRADITIONNELLE

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suprême, sur laquelle on bâtit tout le raisonnement. On y verra, moyennant quelle
large conception de la loi et de son interprétation, comment aussi, grâce à certains
textes, excessivement généraux, tels que l'art. 7 de la loi du 20 avril 1810, invoqué
supplémentairement, d'une façon courante, à l'appui de tout pourvoi71, notre
Cour de cassation a su concilier une saine et féconde entente de son rôle avec le
respect de règles de procédure, qu'elle ne pouvait méconnaître sans manquer à
son premier devoir et heurter de front sa charte constitutive. Et, il apparaîtra, je
crois, comme impossible d'en inférer, que notre juridiction suprême ait justifié,
par son exemple, cette idée prétentieuse, qui, sous le règne de la codification
moderne, voudrait faire trouver, dans les seules dispositions de la loi, toutes les
solutions juridiques.
III. NOTION DÉFINITIVE DE LA CODIFICATION
CHEZ LE LÉGISLATEUR FRANÇAIS
46. Et, pour en revenir maintenant à cette idée, envisagée en elle-même, telle
qu'elle s'est dégagée du milieu social et politique, qui enveloppait, à sa naissance,
notre nouvelle législation (ci-dessus, n° 38), si, restant fidèles encore à notre point
de vue historique (ci-dessus, n° 43, initio), nous voulons achever d'en suivre l'évolution, nous constatons que son règne fut court, et qu'elle ne survécut pas à la
Révolution qui l'avait vu surgir.
Déjà, sous la Constituante, il semble bien que, proposée surtout par les théoriciens de l'Assemblée, elle n'ait été accueillie, qu'avec le plus grand scepticisme,
par les esprits pratiques de jurisconsultes avisés, tels que Thouret et Merlin72.
- Plus tard, Cambacérès, présentant ses premier et troisième projets de Code
civil, l'un à la Convention nationale, l'autre au Conseil des Cinq-Cents, reconnaît,
pour le législateur, l'impossibilité de « tout dire », et borne sa mission à « poser
des principes féconds, qui puissent d'avance résoudre beaucoup de doutes, et saisir des développements qui laissent subsister peu de questions »73.
47. Mais, surtout, lorsqu'on arrive à la réalisation effective de la codification
civile, on s'aperçoit du changement radical et profond, qui s'est alors opéré, dans
les esprits, sur ce point capital. Les rédacteurs du Code civil rejettent formellement loin d'eux la pensée ambitieuse de suffire, par la législation qu'ils proposent,
à tous les besoins de la justice privée.
Entre tous, Portalis, le plus autorisé peut-être, et, à mon sens, le plus
éminent, des artisans de l'œuvre nouvelle, sentant l'influence, que la prétention
révolutionnaire pouvait conserver encore chez beaucoup, l'attaque directement,
dans le célèbre discours préliminaire, présenté sur le projet au nom de la Commission du Gouvernement, et la prenant, pour ainsi dire, corps à corps, démontre, de
la façon la plus limpide, la vanité du sophisme, sur lequel elle reposait. - Après
avoir posé ce principe : « Tout prévoir est un but qu'il est impossible d'atteindre »74,
71. Voyez en un exemple, entre mille, dans : Req. rej. 16 mars 1898, Sir. 98-1-392.
72. Voy. surtout les judicieuses observations de Thouret, sur la question du jury civil, à la séance
du 6 avril 1790, Archives parlementaires, 1re série, t. XII, p. 551. - Adde : Discours de Merlin, le 24 mai
1790, en faveur d'un Tribunal de cassation sédentaire, Arch. parlem., 1re série, t. XV, p. 665-668. -
Cpr. le Repert. de jurisprudence de MERLIN, v° Interprétation, no III, 5e édition, t. VIII, 1827, p. 562.
73. Fenet, Recueil complet des travaux préparat. du Code civil, t. I, p. 2-3 et p. 140-141. -
Comp. encore p. 175.
74. Fenet, op. cit., t. I, p. 467.
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