Bibliothèque de sciences criminelles - L'habitude en droit pénal -1 - 367

CONCLUSION GÉNÉRALE

353

de manière objective, la causalité entre les comportements, c'est-à-dire le fait que
le second soit la conséquence matérielle du premier, exclut en effet l'habitude
car, en appréhendant les différents comportements comme un tout indivisible,
elle empêche de caractériser la répétition. Envisagée subjectivement, la causalité,
c'est-à-dire l'existence d'une unité de dessein criminel entre les comportements,
n'exclut pas l'habitude mais ne permet pas non plus de justifier une appréhension
globale des comportements. En effet, la caractérisation de l'habitude est indifférente à l'existence d'une unité de dessein criminel dans l'esprit de l'auteur ; il est
ainsi purement et simplement indifférent que l'auteur ait accompli les différents
comportements en exécution d'un plan concerté. Deuxièmement, les comportements répétés ne devraient être assemblés pour former une habitude que s'il existe
entre eux un lien temporel. Ce cadre temporel se définit à la fois par un délai
minimum et un délai maximum entre les comportements. L'habitude n'est en
effet envisageable que si les comportements répétés ne sont pas concomitants.
Autrement dit, dès lors qu'ils ne font partie de la même action criminelle, peu
importe que le délai qui les sépare soit très court. Ce délai ne doit cependant pas
être trop long. Cette idée se vérifie en droit positif, excepté en matière de récidive
perpétuelle : l'absence de condition de délai, fondée sur la gravité des infractions
répétées pourrait cependant être modifiée au profit d'un long délai, comme vingt
ou trente ans. Ainsi, l'habitude pénale est fondée à la fois sur l'analogie entre les
comportements et sur le lien temporel entre ces comportements. Toutefois, à ce
lien substantiel vient parfois s'ajouter un lien procédural consistant en l'existence
d'une condamnation pénale entre les différentes infractions, justifiant le regroupement des infractions commises par la même personne au sein de l'habitude.
Il fallait donc, ensuite, analyser cette condition particulière, spécifique à la récidive et la réitération d'infractions, ce qui impliquait à la fois de définir la notion
de condamnation pénale et de déterminer les critères de prise en compte de cette
condamnation dans la formation de ces habitudes pénales judiciaires. La notion
de condamnation pénale a ainsi été définie comme une décision à caractère juridictionnel comportant à la fois une déclaration de culpabilité et une peine, ce qui
exclut notamment les déclarations de culpabilités assorties d'une dispense de peine
ou d'un ajournement du prononcé de la peine. Parmi ces différentes condamnations, seules certaines d'entre elles méritent alors d'être prises en compte pour former une habitude. La condamnation doit être irrévocable au sens où elle ne doit pas
pouvoir être remise en cause par une décision ultérieure, ce qui implique qu'elle soit
insusceptible de recours. Elle doit en outre ne pas avoir été effacée. Par conséquent,
tandis que la condamnation amnistiée empêche la caractérisation de la récidive ou
de la réitération, la condamnation graciée, réhabilitée ou non avenue sont prises
en compte. Par ailleurs, s'il était initialement prévu que seules les condamnations
prononcées par des juridictions françaises pouvaient constituer la récidive ou la
réitération, il est possible depuis 2005 de prendre en compte des condamnations
prononcées par des juridictions d'États membres de l'Union européenne. Si elle
remplit tous ces critères, la condamnation liant la première et la seconde infraction
permet de mettre en évidence une criminalité particulière de l'auteur justifiant que
les infractions soient traitées ensemble de manière spécifique.
Une notion unitaire de l'habitude pénale a ainsi pu être proposée : il s'agit
d'une entité juridique composée d'une pluralité de comportements accomplis par
le même auteur et unis par un lien d'analogie et un lien temporel.
Bibliothèque de sciences criminelles - L'habitude en droit pénal -1

Table des matières de la publication Bibliothèque de sciences criminelles - L'habitude en droit pénal -1
