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L'HABITUDE EN DROIT PÉNAL

texte d'incrimination du proxénétisme n'avait pas besoin de mentionner une condition d'habitude quant à la prostitution, puisqu'elle était intrinsèquement habituelle.
L'abrogation du décret de 194724 et l'avènement du nouveau Code pénal ont toutefois contribué à une évolution de la jurisprudence. Désormais, la chambre criminelle
semble avoir écarté l'habitude de la définition de la prostitution. Selon elle, se prostituer consiste à « se prêter, moyennant une rémunération, à des contacts physiques
de quelque nature qu'ils soient, afin de satisfaire les besoins sexuels d'autrui »25.
Dès lors, la prostitution ne doit être habituelle que si le texte pénal le prévoit car
l'habitude n'en fait plus naturellement partie.
Il est important de remarquer que la prostitution n'est pas en elle-même illicite, au sens où elle ne constitue pas une infraction pénale26. Certes, la prostitution
des mineurs est interdite27, mais le mineur qui s'y livre ne sera pas sanctionné pénalement28. Le législateur n'incrimine en effet pas la prostitution mais plutôt ceux qui
favorisent ce commerce sexuel ou en profitent29. Ainsi, la prostitution étant une
activité licite, elle est tout autant susceptible de constituer la condition préalable
d'une infraction qu'un de ses éléments constitutifs. La qualification juridique de ce
comportement permet donc de savoir si une infraction est une infraction d'habitude
ou une infraction d'occasion avec une habitude non punissable, question qui se pose
aussi pour le proxénétisme et la tolérance habituelle de la prostitution.
24. Décret abrogé par l'ordonnance n° 60-1246 du 25 nov. 1960.
25. Cass. crim. 27 mars 1996 : Bull. crim. n° 138, Dr. pén. 1996, p. 182, obs. M. Véron ; RSC 1996,
p. 853, obs. Y. Mayaud. Contra : CA Montpellier, 17 nov. 2004 : JCP G 2005, IV, 3637.
26. En effet, le droit français se situe dans une logique abolitionniste, c'est-à-dire que la prostitution est officiellemment ignorée, par opposition à d'autres législations qui adhèrent soit au prohibitionnisme (la prostitution est incriminée en tant que telle) soit au réglementarisme (la prostitution
n'est pas incriminée mais elle est réglementée). V. sur ce point M.-H. Renaut, « L'ordre public et la
prostitution ou l'Histoire n'est qu'un perpétuel recommencement », RSC 2006, p. 296.
Seul le racolage est incriminé à l'article 225-10-1 du Code pénal, depuis la loi n° 2003-239 du
18 mars 2003 pour la sécurité intérieure : « Le fait, par tout moyen, y compris par une attitude même
passive, de procéder publiquement au racolage d'autrui en vue de l'inciter à des relations sexuelles en
échange d'une rémunération ou d'une promesse de rémunération est puni de deux mois d'emprisonnement et de 3 750 euros d'amende ». Le racolage peut se définir comme « l'opération de recrutement
de partenaires en vue de relations sexuelles » (M.-L. Rassat, J.-Cl. Pénal Code, art. 225-5 à 225-12,
fasc. 20 : proxénétisme et infractions qui en résultent, 2009, n° 73), c'est donc en quelque sorte une
étape antérieure à la prostitution.
27. L'art. 13 II de la loi n° 2002-305 du 4 mars 2002 relative à l'autorité parentale dispose que « la
prostitution des mineurs est interdite sur tout le territoire de la République ».
28. En revanche, le comportement du client du mineur est incriminé. L'article  225-12-1 du
Code pénal dispose que « le fait de solliciter, d'accepter ou d'obtenir, en échange d'une rémunération ou d'une promesse de rémunération, des relations de nature sexuelle de la part d'un mineur qui
se livre à la prostitution, y compris de façon occasionnelle, est puni de trois ans d'emprisonnement
et 45 000 euros d'amende ». Cette infraction est d'ailleurs dotée d'une circonstance aggravante d'habitude (art. 225-12-2 1o).
29. Un auteur fait remarquer que si la clémence à l'égard des prostitués peut se comprendre, « le
juriste ne peut cependant qu'être choqué du manque de logique du système puisque le régime français
de traitement de la prostitution et du proxénétisme déroge à tous nos principes traditionnels de qualification pénale. Le fait principal qui est la source du déclenchement du système pénal (l'acte de prostitution) n'est pas punissable et cela même s'il est commis par un mineur dont la prostitution est cependant
interdite. Des actes de provocation, d'aide, assistance ou fourniture de moyens pour l'acte principal qui
seraient, en droit commun, des actes de complicité, sont incriminés comme des infractions principales
distinctes. Les auteurs de l'acte principal (prostitués) qui ne sont pas susceptibles d'être poursuivis sont,
en outre, considérés comme des victimes des personnes qui les ont aidés à accomplir les faits critiqués
mais qu'on ne leur reproche pas, et peuvent obtenir l'indemnisation du « préjudice » qui leur a été ainsi
causé » (M.-L. Rassat, J.-Cl. Pénal Code, art. 225-5 à 225-12, fasc. 20, préc., n° 10).
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