Bibliothèque de sciences criminelles - La constitutionnalisation du droit pénal -1 - 169

L'ASSOCIATION MATÉrIELLE DES JUGES

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prisme institutionnel, la question (prioritaire) de constitutionnalité illustre d'une
certaine manière ce « dialogue des juges », qui sera partagé entre les juridictions
du fond, le Conseil d'État ou la Cour de cassation et le Conseil constitutionnel.
Elle constitue même une forme aboutie de ce dialogue tant recherché. En effet, ces
regards différenciés sont de nature à faire naître des synergies qui contribueront
au renforcement de l'État de droit. La pluralité des regards, la richesse des expériences et des approches (créent) des espaces nouveaux de coopération et de collaboration entre les différentes institutions »151. Pourtant, la question prioritaire
de constitutionnalité aurait pu, et pourrait encore, avoir l'effet inverse. En particulier, il est à redouter que le juge ordinaire français se trouve tiraillé entre le juge
constitutionnel et le juge européen, dont les jurisprudences sont parfois contradictoires. Que faire, par exemple, si le Conseil déclare une disposition législative
conforme à un principe constitutionnel, alors qu'elle se révèle être contraire au
même principe tel qu'interprété par la Cour européenne des droits de l'homme ?
La Cour de cassation semble vouloir tirer profit de l'opportunité qu'offre la question prioritaire de constitutionnalité de renforcer le dialogue des juges, tout en
évitant les tensions et les contradictions qui pourraient émerger de son exercice.
De ce fait, elle s'oriente vers l'harmonisation des jurisprudences constitutionnelle
et européenne lorsque cela est possible (Sous-section 1) et s'efforce de concilier
celles-ci dans le cas contraire (Sous-section 2).

SOUS-SECTION 1
L'HARMONISATION DES JURISPRUDENCES EUROPÉENNE
ET CONSTITUTIONNELLE

204. C'est au regard du rôle de l'avocat de la défense au cours de la garde à
vue que la Cour de cassation a tenté d'harmoniser les jurisprudences européenne
et constitutionnelle. De nombreuses questions prioritaires de constitutionnalité ont été soulevées remettant en cause la conformité des anciens articles 62,
63 et 63-4 du code de procédure pénale à la Constitution. La Cour de cassation
a renvoyé ces questions au Conseil constitutionnel152. Le 30 juillet 2010, celui-ci a
considéré que ces dispositions étaient contraires à la Constitution, en particulier
à l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen dont découle
le respect des droits de la défense, et a consacré le droit à l'assistance effective
d'un avocat153. Il a reporté l'abrogation de ces dispositions au 1er juillet 2011,
afin de permettre au législateur de prendre les mesures nécessaires. Cette décision s'est, néanmoins, révélée lapidaire sur le fond, le Conseil n'ayant pas précisé
quel devait être le rôle effectif de l'avocat154. Il semble simplement avoir insisté
sur la présence de l'avocat lors des interrogatoires de son client, mais n'a pas,
par exemple, répondu aux arguments du requérant qui invoquait la nécessité
151. Jean-Louis Nadal, Introduction, in Une nouvelle compétence pour la Cour de cassation, actes
du colloque organisé par la Cour de cassation, 3 avril 2009, LPA, 25/06/2009, n° 126, page 5.
152. Cass. Crim. 31/05/2010, arrêt n° 12030, pourvois n° 05-87745, 09-86381, 10-81098, 10-90001
à 10-90020, 10-90023, 10-90024 et 10-90028, www.courdecassation.fr.
153. Cons. const. 30/07/2010 (n° 2010-14/22 QPC), JO du 31/07/2010, page 14198. Dans le dispositif soumis au Conseil, il était uniquement prévu que l'avocat s'entretenait avec son client au début
de la mesure pour une période de trente minutes. Celui-ci ne pouvait assister aux interrogatoires de
son client, ni prendre connaissance du dossier de la procédure.
154. Voir infra n° 577 et s.

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