Bibliothèque de sciences criminelles - La constitutionnalisation du droit pénal -1 - 248

232

LA CONSTITUTIONNALISATION DU DROIT PÉNAL

qui a encore réduit son domaine de compétence. Il faut évidemment faire état,
avant toute autre chose, de la décision du 23 novembre 197329, déjà évoquée, dans
laquelle le Conseil a affirmé que les contraventions ne relevaient de la compétence
du pouvoir réglementaire que si elles n'étaient pas assorties de peines privatives de
liberté. Il a interprété l'article 34 de la Constitution à la lumière de l'article 7 de
la Déclaration de 1789, préservant ainsi le principe de la légalité et affaiblissant
considérablement le domaine de compétence du pouvoir réglementaire. À côté de
cette jurisprudence déjà ancienne, le Conseil a choisi d'étendre et de protéger le
domaine de la loi, face à celui du règlement.
315. Le Conseil constitutionnel a affirmé, le 30 juillet 198230, que le législateur pouvait intervenir dans les matières relevant de la compétence du pouvoir réglementaire en vertu de l'article  37 de la Constitution. La loi soumise
à son examen créait une contravention de police punie d'une peine d'amende
à l'encontre de certaines personnes morales. Les députés auteurs de la saisine
considéraient que la loi était contraire à la Constitution pour violation de
l'article 37, le législateur ayant créé une contravention alors que la « détermination des contraventions et des peines qui leur sont applicables » relève du
domaine de compétence du règlement. Le Conseil constitutionnel a déclaré
la loi conforme à la Constitution : « il apparaît que, par les articles 34  et  37
alinéa premier, la Constitution n'a pas entendu frapper d'inconstitutionnalité
une disposition de nature réglementaire contenue dans une loi, mais a voulu,
à côté du domaine réservé à la loi, reconnaître à l'autorité réglementaire un
domaine propre et conférer au Gouvernement, par la mise en œuvre des procédures spécifiques des articles 37 alinéa 2 et 41, le pouvoir d'en assurer la protection contre d'éventuels empiétements de la loi ; dans ces conditions, les députés
auteurs de la saisine ne sauraient se prévaloir de ce que le législateur est intervenu dans le domaine réglementaire pour soutenir que la disposition critiquée
serait contraire à la Constitution ». Autrement dit, la loi peut intervenir dans le
domaine du règlement, cela n'en fait pas par principe une loi inconstitutionnelle
pour non-respect des articles 34  et  37, mais le pouvoir réglementaire dispose,
en amont, de moyens permettant d'empêcher le législateur d'intervenir dans
son domaine de compétence31. S'il n'use pas de ces différents moyens, la loi
sera validée et ne pourra pas être considérée comme inconstitutionnelle. « Le
Conseil (s'attache) à maintenir la suprématie de la loi en lui permettant de créer
une contravention dès lors que le Gouvernement ne s'y oppose pas lors des
débats »32. Cette jurisprudence a été plusieurs fois réaffirmée par le Conseil33.
La solution n'est pourtant pas évidente. On aurait, en effet, pu penser, à la lecture des articles 34 et 37, qu'une loi intervenant en dehors des matières visées
limitativement à l'article 34 de la Constitution serait jugée inconstitutionnelle
29. Cons. const. 28/11/1973 (n° 73-80 L), Recueil page 45, JO du 06/12/1973, page 12949.
30. Cons. const. 30/07/1982 (n° 82-143 DC), Recueil page 57, JO du 31/07/1982, page 2470.
31. Article 37 alinéa 2 (procédure de délégalisation des textes de forme législative pris dans les
domaines relevant du pouvoir réglementaire) et article 41 de la Constitution (procédure d'opposition
de l'irrecevabilité des propositions de loi et d'amendements soumis au Gouvernement et relevant du
domaine de compétence du règlement ou étant en contradiction avec une délégation faite en application de l'article 38 de la Constitution).
32. Bertrand De Lamy, Le principe de la légalité criminelle dans la jurisprudence du Conseil
constitutionnel, préc., page 17.
33. Voir par exemple, Cons. const. 19/07/1983 (n° 83-162 DC), Recueil page 49, JO du 22/07/1983,
page 2267 et Cons. const. 19/01/1984 (n° 83-167 DC), Recueil page 23, JO du 20/01/1984, page 351.
Bibliothèque de sciences criminelles - La constitutionnalisation du droit pénal -1

Table des matières de la publication Bibliothèque de sciences criminelles - La constitutionnalisation du droit pénal -1
