Droit et économie - Droit et économie de la propriété intellectuelle - 55

La propriété intellectuelle au cœur de l'économie de l'immatériel

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L'idée de la Commission européenne est ainsi de promouvoir un libre accès
aux résultats de la connaissance tout en permettant une protection de la propriété
intellectuelle correspondante19. Il s'agit d'aménager un accès à la chaîne d'information (pour lui faire produire à son tour de l'information) tout en protégeant
les objets renfermant cette information20. À vrai dire, il n'y a là rien de révolutionnaire : le droit de brevet est déjà fondé sur un tel équilibre.
N'existe-t-il pourtant une certaine antinomie, voire un conflit, entre une
logique d'accès et de partage et une logique d'appropriation ? On commence là
à entrer dans une problématique plus juridique (ou en tout cas pour laquelle le
juriste se doit de réfléchir et de faire œuvre de proposition, avec ses outils, ses
instruments, concepts, catégories, voire des concepts ou notion
d'importation).
Il ne nous semble pas, pour notre part, qu'il y ait là quelque situation irréductible ou de conflit, si l'on veut bien considérer avec certains que les droits de
propriété intellectuelle sont des droits limités par nature (en tant qu'exception
au principe de liberté du commerce et de l'industrie), tant dans leur objet que
dans leur périmètre et leur durée, et qu'ils ont une fonction qui est leur justification et leur mesure21.
Cette limitation se fait au bénéfice de la liberté du commerce et de l'industrie,
voire d'autres libertés comme la liberté d'expression notamment, de la concurrence et de l'existence d'un domaine public qui est tout à fait nécessaire à la
société.
Il ne faut pas non plus oublier que les biens créés22 et/ou protégés par la
propriété intellectuelle peuvent, le cas échéant, être simultanément des biens
économiques, au sens de produits et services, mais aussi des biens culturels, des
biens environnementaux23, voire ce que d'aucuns appellent des biens d'humanité24
ou des biens publics mondiaux25 (comme par exemple les médicaments) et des
biens concurrentiels (c'est-à-dire qui procurent une certaine position avantageuse
dans la concurrence)...

19. Ce qui n'est pas sans rappeler l'objectif de l'accord ADPIC (art. 7 et 8).
20. E. Mackaay, « La propriété intellectuelle et l'innovation. Analyse économique du droit », in Propriétés
intellectuelles. Le droit favorise-t-il l'innovation ?, Droit et Patrimoine, Dossier spécial, octobre 2003, p. 61 et s.
21. Cf. notamment M. Vivant, « Touche pas à mon filtre ! Droit de marque et liberté de création : de
l'absolu et du relatif dans les droits de propriété intellectuelle », JCP E 1993, I, 251.
22. Une marque, par exemple, n'est un bien que parce qu'un droit de PI vient la protéger. En ce sens, le
droit crée un bien immatériel qui n'existerait pas en tant que tel sans l'intervention du droit de la PI.
23. V. notamment, G. Henry, Technologies vertes et propriété intellectuelle, Brevets, marques et écolabels,
IRPI, Lexis-Nexis, 2013.
24. Cf. M-A. Frison-Roche, « Les biens d'humanité, débouché de la querelle entre marché et patrimoine »,
in M. Vivant (dir.), Propriété intellectuelle et mondialisation, La propriété intellectuelle est-elle une marchandise ?,
Paris, Dalloz, 2004, p. 165 et s.
25. Sur cette dernière catégorie, v. A. Martin, « Les biens publics mondiaux », in E. Loquin et A. Martin,
Droit et marchandisation, préc., p. 407 et s.
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