Anthologie du droit - Généralités sur le principe du contradictoire - Droit processuel - 127

DÉTERMINATION GÉNÉRALE DE LA FINALITÉ DU PROCÈS

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Ce n'est qu'à ce niveau que la réconciliation a lieu, par l'adhésion de l'individu à l'État, au-delà du procès.
Le juge assure ainsi une fonction étatique, qu'il remplit en utilisant les syllogismes appropriés86, et les individus n'ont guère de place dans cette démarche
logique.
Cependant, il convient de remarquer que le conflit entre deux individus est
contraire à l'ordre social de deux façons.
Il le bouleverse, certes, par le trouble qu'il constitue en lui-même et le jugement
est alors affaire de force87 s'il n'aboutit pas à l'effacement rationnel du conflit.
Mais il le perturbe aussi en ce qu'il discrédite la règle de droit censée spontanément établir des relations pacifiques entre les individus.
En cela, il fissure la cohésion sociale88.
Le jugement, dès lors, doit, au-delà de l'individu, convaincre le corps social
de la pertinence de la règle de droit ainsi mise en question89.
110. Réconciliation sociale et vérité. Mais le pouvoir coercitif est incapable
d'entraîner cette adhésion90.
Le jugement ne peut atteindre son but de réconciliation du corps social avec
le droit lui-même qu'en appliquant avec rectitude la règle générale à un cas particulier véritablement reconstitué dans l'instance.
Ce respect de la vérité est seul apte à redonner confiance dans la règle de droit.
L'histoire montre la véracité de cette proposition91.
Lorsque le juge fait acte de force, par le seul pouvoir de son langage performatif92, il peut négliger la vérité, déformer les règles et faire plier l'individu.
Il est notable que cela se traduise toujours techniquement par un non respect
du contradictoire93.
86. Voir Georges KALINOWSKI « LE PROBLÈME DE LA VÉRITÉ EN MORALE ET EN
DROIT (précité).
87. Sur la notion de « violence légitime », apanage de l'État, voir la théorie de Max WEBER,
telle qu'il l'exprima en 1919, dans une conférence sur « LE MÉTIER ET LA VOCATION D'HOMME
POLITIQUE » (reprise in « LE SAVANT ET LE POLITIQUE », préface de Raymond ARON, Paris,
1959, Plon, coll. « Recherches en sciences humaines », 1986, coll. « 10/18 », spéc. p. 100 et s.).
88. CHARIES « LE DROIT AU SILENCE DE L'INCULPÉ » (Rev. intern. dr. pén. 1953,
p. 129 à 149, p. 135) affirme que « sans vérité, il n'y a pas de justice, sans justice il n'y a pas de sécurité, pas d'ordre et donc pas de progrès social ». HEGEL, lui- même, « PRINCIPES DE LA
PHILOSOPHIE DU DROIT... » (précité, §224, p. 241), établit le lien entre cette nécessité sociale de
vérité et la publicité des débats.
89. Voir, dans cette perspective l'importance de la motivation, exposée supra, page 53 et s.
90. Léon HUSSON « NOUVELLES ÉTUDES SUR LA PENSÉE JURIDIQUE » (précité,
p. 513) semble d'ailleurs le regretter, voyant dans la nécessité de cette acceptation « l'une des raisons
et non la moindre, de l'imperfection de tous les droits ». Mais, en la matière, le remède serait pire
que le mal.
91. Ainsi, à propos de l'affaire DREYFUS, Charles PEGUY note : « Nous avons passé vingt
mois et plus à distinguer la vérité d' État de la vérité » (« Oeuvres », tome 1, Paris, Gallimard, coll.
« Pléiade », p. 93).
92. Voir infra, page 257 et s.
93. Julien FREUND « SOCIOLOGIE DU CONFLIT » (précité, p. 336) note que « la violence
terroriste commence en général par le mépris des formes ».
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