Anthologie du droit - Généralités sur le principe du contradictoire - Droit processuel - 137

Chapitre 2

L'EXCLUSIVITÉ DU CONTRADICTOIRE

Si le dialogue doit s'imposer comme seul mécanisme de découverte de la vérité,
cela se concrétise par la règle selon laquelle le juge doit pouvoir entendre deux voix.
Mais dans quelles circonstances n'en entend-t-il qu'une et qu'en résulte-t-il ?
Si le contradictoire est bien le moyen primordial de la connaissance judiciaire, il faudra que cette unilatéralité soit, d'une part, exceptionnelle, et, d'autre
part, du fait de sa déficience heuristique, compensée grâce à des règles permettant
la réinsertion du litige dans un débat.
La première hypothèse d'unilatéralité est celle dans laquelle l'adversaire ne
peut pas répondre1, faute d'être là.
Le caractère unilatéral de la procédure ne permet alors au juge d'appréhender les faits que par la version d'un demandeur2 qui les déforme ou les oblitère
plus ou moins consciemment à son profit3.
I. L'UNILATÉRALITÉ DE LA PROCÉDURE
Un procès, confrontation de deux thèses, est naturellement bilatéral parce
qu'il est le lieu d'un débat.
Mais l'unilatéralité peut, cependant, être organisée par le droit lui-même, en
raison de la spécificité de l'affaire ou en considération d'un intérêt incompatible
avec la contradiction et supérieur à elle.
Ces procédures doivent rester exceptionnelles car chacun s'accorde à reconnaître que le juge, dans ces conditions, ne peut guère statuer en connaissance de
cause et mains palliatifs sont organisés pour compenser ce manque d'information.
A. LES PROCÉDURES PAR NATURE UNILATÉRALES
Premièrement, pour qu'il y ait deux versions dont la confrontation éclaire le
juge, encore faut-il qu'il y ait deux individus en conflit qui se « disputent »4.
1. Or, une « vérité unilatérale » est « incontrôlée », comme le note André RICHARD « LES
PIÈGES DE L'OPPOSITION EN MATIÈRE RÉPRESSIVE » (précité, p. 51).
2. Alors que, par nature, « le procès ne se satisfait pas d'un simple récit linéaire », car le débat
contradictoire « a pour mission de restituer l'épaisseur et l'ambiguïté de la réalité » (Antoine GARAPON
« L'ÂNE PORTANT RELIQUES, ESSAI SUR LE RITUEL JUDICIAIRE » (précité, p. 61).
3.On a pu en conclure que le jugement devenait, de ce fait, « suspect » (note sous l'arrêt de la
chambre civile du 20 novembre 1981 « MARIN C/ OLIVIER » (S. 1918, 1, p. 213 ; R.T.D.C. 1921, p. 318).
4. Au sens médiéval du terme.
Sur le lien entre cette méthode de « dispute » et la dialectique, voir Francis JACQUES
« DIALOGUE EXIGE... » (précité, p. 15 et s.) et surtout les études de Michel VILLEY, particulière
« L'ART DU DIALOGUE DANS LA SOMME THÉOLOGIQUE » (précité), ou plus générale

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