Anthologie du droit - Généralités sur le principe du contradictoire - Droit processuel - 79

CONTRADICTOIRE ET PROTECTION DU TIERS

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68. Droit de la nationalité. Le législateur est intervenu.
Séduit par la construction précédemment décrite91, le législateur a posé en
1945 le principe suivant, qui a trouvé place dans l'article 136 du Code de la
nationalité :
« Toutes les décisions définitives rendues en matière de nationalité par les
juridictions de droit commun... ont à l'égard de tous, par dérogation à l'article
1351 du Code civil, l'autorité de la chose jugée. »
On pourra, alors, excuser la doctrine et la jurisprudence, devant l'autorité de
cette source, d'avoir reconnu là un cas dérogatoire d'autorité absolue.
Mais lorsque l'article fut modifié en 1973, le législateur affirma expressément, dans les travaux préparatoires, qu'il entendait revenir à l'association de
l'autorité relative et de l'opposabilité absolue.
En conséquence, le nouvel article 136 du Code de la nationalité dispose, dans
son premier alinéa :
« Les jugements et arrêts rendus en matière de nationalité française par le
juge de droit commun ont effet même à l'égard de ceux qui n'y ont été ni parties,
ni représentés. »
Mais une partie seulement de la doctrine enregistra ce changement pourtant
clair92 et, au regard de la théorie générale, ce retour à l'orthodoxie.
On peut observer le même phénomène en droit de la famille.
69. État des personnes. Les jugements concernant l'état des personnes se sont
longtemps vus gratifier d'une autorité absolue93.
Mais le législateur est venu préciser qu'il ne s'agissait que d'une opposabilité94.
L'article 311-10 du Code civil dispose désormais que :
« Les jugements rendus en matière de filiation sont opposables même aux
personnes qui n'y ont point été parties. »
L'affirmation reste pourtant courante du caractère absolu de l'autorité de
tels jugements.
Cette pesanteur doctrinale s'explique par le fait que des questions annexes
sont venues obscurcir encore la matière.
91. Pourtant Raymond BUFNOIR « DE l'AUTORITÉ DE LA CHOSE JUGÉE EN
MATIÈRE D'ÉTAT DES PERSONNES » (précité, p. 75 à 78) considère que la solution apportée à
une question de nationalité est toujours relative.
92. Le glissement de sens est ainsi noté par MARTY et RAYNAUD « DROIT CIVIL - LES
PERSONNES » (précité, no814 quater, p. 905). Mais BATIFFOL et LAGARDE « DROIT
INTERNATIONAL PRIVÉ » (7e éd., 2 tomes, Paris, LGDJ), dans l'édition de leur tome I, datant de
1981, parlent d'un système d'autorité absolue, limitée par la tierce-opposition, alors même que, dans
l'édition de leur tome II, datant de 1983, ils appliquent, en référence à MARTY et RAYNAUD, la
distinction entre l'autorité et l'opposabilité, en matière d'état des personnes.
93. Voir WEILL et TERRÉ « DROIT CIVIL - INTRODUCTION GÉNÉRALE » (précité).
Voir, en sens contraire, M.J. GEBLER « DISPOSITIONS COMMUNES À LA FILIATION
LÉGITIME ET NATURELLE, ACTIONS RELATIVES À LA FILIATION » (juris-classeur proc.
civ., art. 311, no40, p. 11) et Roger PERROT et Nathalie FRICERO « AUTORITÉ DE LA CHOSE
JUGÉE » (juris-classeur de procédure civile, volume 5, fasc. 554) qui concluent que l'état des personnes n'a rien de spécifique.
94. Loi du 3 janvier 1972 no72-3 sur la filiation.
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