Anthologie du droit - Généralités sur le principe du contradictoire - Droit processuel - 83

CONTRADICTOIRE ET PROTECTION DU TIERS

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Bien qu'elle ne soit donc pas la conséquence du contradictoire108, l'étude de
la tierce-opposition dans le droit positif se révèle fructueuse, car elle met en
lumière l'opposabilité absolue de la décision, et constitue l'indice sûr de la relativité de son autorité.
3. Tierce-opposition et autorité absolue
74. Relation d'incompatibilité. II apparaît, en effet, que, si un jugement a une
autorité absolue, on ne peut concevoir la tierce-opposition109.
Car, si l'on se place sur le terrain de l'autorité, et si celle-ci est absolue, alors
la décision est incontestable par les tiers. On ne saurait donc les autoriser à
demander quand bon leur semble sa remise en cause.
Il y a là une impossibilité radicale110, car c'est dire la même chose que d'affirmer que l'immutabilité s'impose à tous, définition de l'autorité absolue, que de
poser que le tiers ne peut attaquer la décision111.
La notion proposée par la doctrine d'« autorité absolue provisoire » n'est
guère satisfaisante, et semble souffrir de contradiction interne112.
Dès lors, si le droit positif reconnaît en une matière l'ouverture de la tierceopposition, cela est la marque d'une autorité relative, qui l'a rendue possible.
75. Indice de relativité. Aussi, la doctrine administrativiste s'est-elle justement, dans la logique du système de l'autorité absolue, étonnée de voir le Conseil
d'État admettre la tierce-opposition contre les décisions d'annulation d'acte
administratif, faisant suite à un recours pour excès de pouvoir113.
108.Voir, par exemple, B.STARK « L'AFFAIRE GHATTAS ET LE PROBLÈME DE L'AUTORITÉ
ABSOLUE DES JUGEMENTS EN MATIÈRE DE NATIONALITÉ » (Rev. crit. 1950, p. 310).
109. C'est ainsi qu'en matière de nationalité, LEREBOURGS-PIGEONNIÈRE « DROIT
INTERNATIONAL PRIVÉ » (précité, no 209, p. 239), favorable à l'autorité absolue de telles décisions, s'était logiquement prononcé contre la tierce-opposition.
110. Ainsi CORNU et FOYER « PROCÉDURE CIVILE » (précité, p. 492) se demandent
« comment concevoir une autorité absolue que tous, sauf les parties, pourraient contester ». Il semble,
au contraire, naturel à Raymond GUILLIEN « L'ACTE JURIDICTIONNEL ET L'AUTORITÉ
DE LA CHOSE JUGÉE » (précité, p. 438).
111. C'est pourquoi l'arrêt de la chambre civile du 13 mai 1958 « THAREL C/ GARET »
(D. 1958, p. 446 ; JCP 1958 II 10669 note critique Marcel VISNARD), constatant que « les jugements
d'homologation d'adoption étant constitutifs d'un nouvel état, emportent autorité de la chose jugée à
l'égard de tous », en conclut qu'« ils ne peuvent être attaqués par la voie de la tierce-opposition ».
Voir aussi l'arrêt de la Cour d'appel de PARIS du 3 février 1949 « ROBERT » (JCP 1949 II 4911
note critique Paul ESMEIN). Il est à noter que ces critiques doctrinales portent moins sur la rectitude
du raisonnement que sur la nécessité pratique d'admettre la tierce-opposition.
Enfin, de la façon la plus nette, le jugement du tribunal de Montpellier du 1er décembre 1948
« GHATTAS » (S. 1949 II p. 9, note J.P. NIBOYET) énonce à propos de la tierce-opposition que « si ce droit
leur était reconnu (aux tiers), et s'ils étaient ainsi recevables dans leur opposition, les jugements visés à l'article 136 n'auraient plus l'autorité absolue de la chose jugée, alors que cet article leur donne ce caractère ».
La doctrine a souligné très tôt cette équivalence des deux règles et, en 1883, Raymond BUFNOIR
« DE L'AUTORITÉ DE LA CHOSE JUGÉE EN MATIÈRE D'ÉTAT DES PERSONNES » (précité, p. 54 et s.), qui défend la thèse de l'autorité absolue, en déduit logiquement que « les tiers devront
donc s'y soumettre (aux jugements) et ne pourront pas les attaquer par la tierce-opposition ; car cette
voie de recours... est exceptionnellement fermée, lorsque l'effet du jugement est absolu ».
112. Celle-ci ressort lorsque Jean-Marie AUSSEL « ESSAI SUR LA NOTION DE TIERS EN
DROIT CIVIL FRANCAIS » (précité, no 241, p. 253) parle de « neutraliser » une « portée absolue ».
Il en déduit d'ailleurs qu'« en définitive, les tiers... auront...un statut hybride ».
113. Voir l'arrêt du Conseil d'État du 29 novembre 1912 « BOUSSUGE », cité p. 65, note no 172
et p. 125, note no 370.
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