Anthologie du droit - Généralités sur le principe du contradictoire - Droit processuel - 93

CONTRADICTOIRE ET PROTECTION DU TIERS

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On en trouve pourtant un exemple historique.
En effet, le Tribunal de NUREMBERG, après une procédure respectant les
droits des personnes attraites devant lui169, a déclaré criminelles un certain nombre
d'organisations, dont la plus célèbre était la Waffen S.S.
En conséquence, toute personne convaincue d'y avoir appartenu, pouvait
être ultérieurement condamnée de ce fait170, sans qu'elle puisse contester cette
qualification171.
Il s'agissait donc d'une condamnation collective et anonyme, faite « a priori »172
de milliers de personnes, et l'on a pu y voir une atteinte aux droits de la défense173.
81. Règle du précédent. Sans doute, s'agit-il en l'espèce d'une application de
la conception anglo-saxonne174 du rôle du juge175, apte à poser des règles générales, destinées à s'appliquer à tous les cas semblables.
C'est la règle du précédent.
Dans cette optique, le principe du contradictoire ne joue pas le même rôle,
car il n'est pas question de remettre en cause les termes de la décision antérieure,
qui a alors valeur de loi.
Seule peut être discutée son applicabilité, ce qui est fait par la technique du
« distinguishing », possibilité qui satisfait le contradictoire.
Le précédent jurisprudentiel176 participe, dans un tel système, de la nature
hypothétique, donc proprement « indiscutable »177 de la loi178.
169. Sur le mécanisme de représentation adopté, voir A.M.S. NEAVE « THE TRIAL OF THE
SS AT NURNBERG » (Rev. intern. dr. pén. 1946, p. 277 à 296, p. 291 et s.).
170. Parce que « la criminalité hitlérienne a été une criminalité grégaire », comme le relève
Jacques-Bernard HERZOG « NUREMBERG, UN ÉCHEC FRUCTUEUX ? » (préface de Maurice
AYDALOT, Paris, 1975, LGDJ, p. 95).
171. Voir M.MERLE « LE PROCÈS DE NUREMBERG » (Paris, 1949, p. 100 et s.).
172. Cela a été souligné par le procureur JACKSON, lors des débats.
173.Sur les divers arguments échangés à ce sujet, voir Jacques-Bernard HERZOG « LES
ORGANISATIONS NATIONALES-SOCIALISTES DEVANT LE TRIBUNAL DE NUREMBERG »
(Rev. intern. dr. pén. 1946, p. 343 à 359, spéc. p. 348 et s.).
Sur les hésitations du tribunal, voir « LE STATUT ET LE JUGEMENT DU TRIBUNAL DE
NUREMBERG » (Paris, 1949, p. 81 et s.).
174.Elle fut aussi la conception romaine, CICERON plaçant la "res judicata" parmi les sources de droit.
175. Ainsi, Henri MEYROWITZ « LA RÉPRESSION PAR LES TRIBUNAUX
ALLEMANDS DES CRIMES CONTRE L'HUMANITÉ ET DE L'APPARTENANCE À UNE
ORGANISATION CRIMINELLE, EN APPLICATION DE LA LOI no10 DU CONSEIL DE
CONTROLE ALLIÉ » (Paris, 1960, LGDJ, no 270, p. 441) expose que l'acte du Tribunal est « mixte :
juridictionnel par son auteur, législatif par ses effets ».
De même, Henri DONNEDIEU DE VABRES « LE PROCÈS DE NUREMBERG DEVANT
LES PRINCIPES MODERNES DU DROIT PÉNAL INTERNATIONAL » (Recueil des cours de
l'Académie de droit international, tome 70, SIREY, p. 556) souligne cette dichotomie.
176. On ne peut réduire le précédent, comme le fait Raymond GUILLIEN « L'ACTE
JURIDICTIONNEL ET L'AUTORITÉ DE CHOSE JUGÉE » (précité, p. 358 et s.), à » l'application des effets indirects de la chose jugée aux solutions abstraites ».
Il est cependant vrai que l'autorité de la chose jugée contienne en germe le système du précédent, et
que seule la structure étatique française empêche cette extension, comme le souligne Daniel TOMASIN
« ESSAI SUR L'AUTORITÉ DE LA CHOSE JUGÉE EN MATIÈRE CIVILE » (précité, no 344, p. 253).
177. Voir ESMEIN « L'EFFET RELATIF DE LA CHOSE JUGÉE » (précité, p. 247) qui souligne que, dans le système anglais, « les points de droit ont alors une force absolue, invocable par tous
et à I'égard de tous... ».
178. Sur la valeur hypothétique de la norme jurisprudentielle, voir infra, page 247 et s.
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