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LES « NOTIONS AUTONOMES » EN DROIT DE L'UNION

récente21 - et passionnante - dans laquelle il est procédé à une analyse sémiologique
et statistique approfondie de la terminologie retenue par les arrêts de la Cour est très
significative : l'auteur ne recense pas moins d'une dizaine d'expressions par lesquelles
le juge de l'Union désigne un processus d'identification apparemment analogue. On
trouve en effet les formules suivantes : « définition autonome », « déterminée de
manière autonome », « définition communautaire », « notion autonome », « interprétation autonome », « interprétation communautaire », « notion communautaire »,
« notion de droit communautaire », « portée autonome », « principe autonome »,
sans que le choix sémantique puisse se voir attribuer une importance significative.
Cette diversité aurait pu conduire à une analyse comparative tendant à montrer que
la diversité du vocabulaire utilisé renvoyait, explicitement ou implicitement, à des
degrés différents, et éventuellement progressifs, d'autonomisation : en réalité il n'en
est rien, d'autant que la Cour se montre capable d'user, dans le même arrêt22, et à
propos de la même notion, de formulations alternatives, telles que « disposition autonome de droit communautaire », « interprétation autonome et uniforme », « définition communautaire » ou « notion communautaire », sans qu'on puisse déduire de
ces approximations linguistiques des implications juridiques. Perturbante en toute
rigueur technique, cette variabilité des formules s'explique peut-être seulement par un
souci stylistique d'éviter les redondances et les répétitions...
Certes, le juge de l'Union23 a adopté, même si elle n'est pas reprise de façon
constante dans sa jurisprudence, une formule codée d'autonomisation, qui est réitérée de façon incantatoire dans ses décisions les plus claires : « sauf renvoi, explicite ou
implicite, au droit national, les notions juridiques utilisées par le droit communautaire doivent être interprétées et appliquées de façon uniforme dans l'ensemble de la
Communauté »24, ou encore « les termes d'une disposition de droit communautaire
qui ne comporte aucun renvoi exprès au droit des États membres pour déterminer
son sens et sa portée doivent normalement trouver une interprétation autonome et
uniforme qui doit être recherchée en tenant compte du contexte de la disposition et
de l'objectif poursuivi par la réglementation en cause »25. Dans une période plus
récente, la « formule magique » le plus souvent utilisée consiste à dire qu'il découle
« des exigences tant de l'application uniforme du droit communautaire que du principe d'égalité que les termes d'une disposition du droit communautaire qui ne comporte aucun renvoi exprès au droit des États membres pour déterminer son sens et sa
21. L. Charbonneau, Notions autonomes et intégration dans la jurisprudence de la Cour
de justice de l'Union européenne, Mémoire Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, 2012. On
notera au passage que l'auteur ne recense pas moins de 160 « notions autonomes » dans la
jurisprudence de la Cour.
22. En l'occurrence, à propos de la notion de « rémunération équitable » dans le contexte
du droit d'auteur et des droits voisins, CJCE, 6 février 2003, SENA, aff. C-245/00 : comp.
pt 22, 23, 34.
23. Nous adoptons la terminologie de « juge de l'Union » pour désigner à la fois la Cour
et le Tribunal, sans distinguer la période antérieure et la période postérieure à l'entrée en
vigueur du traité de Lisbonne.
24. CJCE, 1er février 1972, Hagen OGH, aff. C-49/71, italiques ajoutés.
25. TPICE, 22 avril 1993, Commission c/ Grèce, aff. T-9/92, italiques ajoutés.
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