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LE DROIT PUBLIC FINANCIER ET L'ART. 6 CEDH

cas inverse, à l'époque19, il met le comptable en débet du manquant constaté
(comme dans l'affaire belge mentionnée plus haut). Le juge des comptes intervient
donc dans tous les cas, même lorsqu'il n'y a pas mise en jeu de la responsabilité du
comptable, argument utilisé pour nier l'existence d'une contestation. Mais, si le
juge des comptes en restait à cette seule activité, lui échapperaient toutes les gestions qui, violant le principe de séparation de l'ordonnateur et du comptable, se
font sans passer par le compte de ce dernier. La procédure de gestion de fait est là
pour remédier à cette lacune. Si l'ordonnateur s'immisce irrégulièrement dans les
fonctions du comptable, en violation des règles de droit, le juge des comptes parviendra néanmoins à juger lesdits comptes en jugeant d'abord que cet ordonnateur
a bien agi en lieu et place du comptable normalement compétent ; c'est la gestion
de fait. On le voit, il n'est pas ici possible de considérer qu'il n'y a pas de contestation : si le comptable de fait peut être mis en débet, c'est parce que son maniement
était irrégulier ; c'est sans doute pourquoi le Conseil d'État se montre plus enclin
à admettre ici la nécessité de respecter une procédure équitable et les droits de la
défense. C'est du reste en matière de gestion de fait que la Cour de Strasbourg
devait confirmer la position de la Commission EDH dans l'affaire Muyldermans.

2. L'intervention inéluctable de la CEDH
Par une décision du 7 octobre 2003, la CEDH estimait en effet que le volet
civil de l'article 6, § 1 est applicable aux premières phases de la procédure de gestion de fait et le volet pénal à la phase d'amende20, 21. Elle y affirme qu'« une
contestation a surgi dès lors que les comptes examinés ont fait apparaître un
manquement22 dans la gestion des deniers publics au préjudice du Trésor public.
Réelle et sérieuse, la contestation porte sur le point de savoir si la requérante peut
obtenir une décharge des obligations qui pèsent sur elle au titre des exercices examinés par les juridictions financières. L'issue de la procédure est donc déterminante pour l'obligation de la requérante de restituer les sommes pour lesquelles
elle a été mise en débet à l'égard de l'État créancier ».
On le pressentait, le Conseil d'État s'attendait à cette solution et avait tenté
d'y remédier pour partie par ses décisions Labor-Métal et Razel. Il pouvait donc
adhérer à la solution de la CEDH sans trop de difficulté s'agissant de la gestion de
fait. Il le fit rapidement23 ; le « dialogue des juges » avait fonctionné.
19. Voir IIe partie.
20. CEDH, déc. 7 octobre 2003, Richard-Dubarry, aff. 53929/00 : Rec. C. comptes 189 ;
Rev.  Trésor 2004, 307, obs.  Lascombe et Vandendriessche ; RFD  adm. 2004, 378,
note Potteau ; AJDA 2004, 1301, note Rollin ; AJDA 2004, 1814, chron. Flauss.
21. Y compris en première instance devant les CRC : CEDH, 10  mai 2007, Tedesco
c/ France, aff. 11950/02 : Rec. C. comptes 125 ; RFD adm. 2008. 810 ; AJDA 2007, 1001.
22. Il eut été plus juste d'écrire « manquant », les sommes « manquent » même si cela est
consécutif à un « manquement » du comptable qui n'a pas respecté les procédures.
23. CE, 30  décembre 2003, Richard et Beausoleil, req. no  251120 : Lebon  531 ;
Rec. C. comptes 182 ; RFD adm. 2004, 365, concl. Guyomar et note Couttant ; Rev. Trésor
2004, 312, obs. Lascombe et Vandendriessche ; AJDA 2004, 1302, note Rollin.
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