Exégèses - L'affaire Baby Loup ou la nouvelle laïcité ? - 36

Le cadre de l'affaire : la question de la religion dans les rapports de travail
Défenseur des droits, établit clairement que nul statut intermédiaire
entre l'agent public et l'usager ne permet, en l'état actuel
du droit positif, d'assujettir quelque collaborateur ou participant
au service public que ce soit à une quelconque obligation
de neutralité ; seules des considérations liées à la nécessité de
prévenir un trouble à l'ordre public pourraient justifier que la
liberté religieuse, par exemple, de parents accompagnateurs de
sorties scolaires, soit restreinte (Conseil d'État, 2013, p. 33)16
.
Il convient de souligner la rapidité de l'évolution du droit positif
que dessinent ces exemples ; une grande distance a en effet été
parcourue en une quinzaine d'années. Qu'on en juge : on lit dans
le rapport Un siècle de laïcité publié par le Conseil d'État en 2004 (il
y a dix ans seulement), que : « la neutralité du service public, dont
le corollaire est le devoir de réserve qui s'impose aux fonctionnaires,
est une exigence légitime et indispensable, condition au
demeurant de la liberté de conscience de l'usager de ce service.
Mais la liberté d'expression de son appartenance à une religion par
cetusager, quinepeutlui-mêmefaire l'objet de discrimination en raison
de ses convictions, ne saurait porter atteinte à la neutralité du service
public » (p. 394, nous soulignons). Dans le même ordre d'idées, le
commissaire de gouvernement David Kessler soulignait, en
concluant sur l'arrêt Kherouaa de 1992 (CE, 2 novembre 1992)
que la distinction « n'a pas été suffisamment soulignée entre les
obligations faites aux élèves et celles faites aux enseignants.
Parce que l'enseignement est laïc, l'obligation de neutralité s'impose
absolument aux enseignants qui ne peuvent exprimer dans
leur enseignement leur foi religieuse. En revanche, parce que la
liberté de conscience est la règle, un telprincipe ne saurait s'imposer
aux élèves qui sont libres de manifester leurfoi, la seule limite à cette
manifestation étant la liberté d'autrui » (nous soulignons).
On peut en outre s'interroger sur le point de savoir si cette
extension de la neutralité aux personnes privées est justifiée.
16. Ironiquement, le Conseil d'État donne ici raison aposteriori à la HALDE qui
avait adopté une position semblable à diverses reprises (v. par ex. délibération
2007-117 du 14 mai 2007 : « le refus de principe opposé aux mères d'élèves
portant le foulard d'accompagner ces derniers en sorties scolaires (...) en
l'absence de toute circonstance susceptible de lui conférer le caractère
d'acte de pression ou de prosélytisme, apparaît comme contraire aux dispositions
interdisant les discriminations fondées sur les religions »).
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