Exégèses - L'affaire Baby Loup ou la nouvelle laïcité ? - 45

L'affaire Baby Loup ou la Nouvelle Laïcité
Signes religieux au travail - panorama juridique
Comme on l'a dit, aux termes du droit français, l'employeur est en principe
tenu au respect de la liberté religieuse de ses salariés. Il n'en
conserve pas moins la possibilité de prendre ses décisions d'embauche
et de débauche au regard de l'(in)compatibilité éventuelle entre celle-ci et
la nature et les conditions particulières d'exercice de l'emploi en question.
C'est ainsi que le juge interprète le Code du travail, qui dispose que « les
restrictions à la liberté religieuse doivent être justifiées par la nature de la
tâche à accomplir, répondre à une exigence professionnelle essentielle et
déterminante et proportionnées au but recherche » (Code du travail, art.
L. 1321-3). Concrètement, cela donne naissance à des solutions telles
que :
- préservation de la liberté de porter le voile de la téléopératrice recrutée
voilée à laquelle on ne saurait restreindre soudainement cette liberté à la
faveur d'une mutation (conseil des prud'hommes, 17 décembre 2002,
Mlle
Tahric. StéTeleperformance France);
- validation du bien-fondé du licenciement prononcé par l'employeur
d'un ou d'une salariée excipant de sa religion pour refuser de manipuler
la viande de porc (pour un employé de boucherie) (Cass. soc., 24 octobre
1998, no
95-44738) ;
- validation du licenciement de la vendeuse de prêt-à-porter revêtant le
voile intégral (CAStDenisdela Réunion, 9 septembre 1997) ;
- validation du licenciement de la vendeuse travaillant dans un centre
commercial ouvert à un large public dont les convictions sont variées et
portant le voile islamique (CA Paris, 16 mars 2001, Habiba Charni, RJS
11/01, no
1252).
Cette manière de faire du juge judiciaire paraît, par ailleurs, congruente
avec les exigences du juge européen telles que récemment rappelées
dans une série d'affaires importantes (voir notamment CEDH, 15 janvier
2013, Eweida etautres c. RU) : en matière de restriction de la liberté de
religion sur le lieu de travail, elle invite les parties concernées à mettre en
balance l'ensemble des intérêts en présence. Accroissant au passage l'intensité
qu'elle reconnaît au droit des employés de manifester leur religion,
elle juge ainsi que la compagnie BritishAirways outrepasse la restriction
légitime à la liberté religieuse en interdisant à un agent d'escale de porter
une croix en collier par-dessus son uniforme, alors qu'il peut être exigé
d'une infirmière qu'elle retire la croix portée autour du cou pour des raisons
de sécurité et de santé. En d'autres termes, la Cour indique que la
liberté religieuse implique que chaque employeur fasse un effort pour restreindre
au minimum le droit de ses salariés à exprimer leurs croyances
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